QUI CONNAÎT la théorie sur l’écologie des sols de René Dubos (1901-1982), brillant scientifique né à Hénonville (Oise) ? Devenu ingénieur agronome en 1921, il quitta l’Europe trois années plus tard pour s’installer dans le New Jersey et obtint son doctorat en médecine à l’université Rutgers. Ayant été remarqué par le biologiste Alexis Carrel (1873-1944), ce dernier intercéda auprès de l’université Rockfeller de New York où Dubos fut recruté en 1927 comme assistant du professeur Oswald T. Avery (1877-1955) dans le service des maladies respiratoires avec une mission : isoler une bactérie capable de détruire la capsule polysaccharidique protégeant une souche virulente du pneumocoque Streptococcus pneumoniae. Dubos mélangea donc des polysaccharides de pneumocoque à des échantillons de terre contenant diverses bactéries jusqu’à finir par en isoler un germe produisant, par réaction aux polysaccharides, une enzyme capable de les lyser. Si cette enzyme ne put être utilisée en thérapeutique (elle était difficile à purifier et insuffisamment active sur des organismes au système immunitaire déjà altéré par la maladie), elle n’en constitua pas moins la base de la majeure partie des travaux de Dubos qui, sa vie durant, développa cette idée maîtresse : la terre maintient son équilibre écologique grâce à l’action de « ferments » produits par les micro-organismes et destinés à attaquer les micro-organismes concurrents. Ces composés naturels sont donc potentiellement utiles pour lutter contre les agents infectieux. Les bactéries sécrètent ainsi des ferments « constitutifs » (innés) et des ferments « adaptatifs » (acquis) liés à leur capacité d’« adaptation créatrice ».
Dubos isola de cette façon, en 1937, une souche de Bacillus brevis productrice d’une substance inhibant la croissance de la majeure partie des bactéries gram positif auxquelles elle était mélangée dans des échantillons de terre et l’identifia en 1940 avec l’aide du biochimiste américain Rollin Hotchkiss (1911-2004). Cette « tyrothricine » - sécrétée, conformément à sa théorie, seulement en présence de bactéries à détruire - associait deux polypeptides : la tyrocidine (lysant la membrane bactérienne) et la gramicidine (inhibant la croissance des bactéries gram positif).
Prix Lasker 1948.
La tyrothricine, premier antibiotique naturel testé sur l’homme, se révéla trop toxique pour un usage systémique ; elle fut administrée en topique sur les plaies pendant la Seconde guerre mondiale. Le travail de Dubos inspira Chain et Florey qui mirent au point la pénicilline en 1940.
René Dubos, devenu Américain en 1938, orienta ses recherches sur la tuberculose, dont sa femme était décédée en 1942. Il publia un ouvrage de bactériologie toujours essentiel : « The bacterial cell in its relation to problems of virulence, immunity and chemotherapy » (1945) et reçut le prix Lasker en 1948.
Sa méthode visant à stimuler la production bactérienne de substances toxiques pour d’autres micro-organismes permit d’isoler par la suite divers antibiotiques dont la streptomycine.
Dubos rédigea en 1972 avec l’économiste britannique Barbara Ward (1914-1981) le rapport de la première Conférence des Nations Unies sur l’environnement (« Sommet de la Terre » de Stockholm) et resta célèbre pour son slogan : « Penser global, agir local ». À l’origine du Programme de l’ONU pour l’environnement, il consacra son existence aux équilibres écologiques : du niveau des micro-organismes à celui de la planète entière.
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