« PAS D’ACIDE, pas d’ulcère » : c’est en 1910 que le médecin croate Dragutin Karl Schwarz (1868-1917) résuma d’un trait les liens entre sécrétion gastrique et constitution d’un ulcère. Le contrôle de l’acidité gastrique constituait depuis des décennies un défi, qui trouva un premier aboutissement avec la découverte de la cimétidine en 1973 par James W. Black.
Black n’était toutefois pas le seul intéressé par cette question. Depuis 1967, une équipe du laboratoire suédois Astra conduisait à Göteborg des recherches sur des antisécrétoires inhibant l’action de la gastrine : le « Gastrine project ». Leur travail partit d’un composé présenté en 1971 à un congrès par un laboratoire français : ce CMN 131 était toutefois trop néphrotoxique pour être utilisable. Les Suédois en éliminèrent la structure thioamide, toxique, pour la remplacer par divers motifs hétérocycliques. Le premier composé de cette série, le H124/26, synthétisé en 1973, se montra actif, mais il était déjà breveté par un laboratoire hongrois comme anti-infectieux ! L’un de ses métabolites, son sulfoxyde, que ne protégeait pas le brevet, se révéla plus actif : testé en 1975 sous le nom de timoprazole, il manifesta une action délétère sur la thyroïde (il inhibait la capture de l’iode) et sur le thymus (qu’il atrophiait). Cet effet indésirable, dissocié de l’action anti-acide, pouvait être éliminé par des modifications structurales. Parmi les dérivés porteurs d’une structure mercapto-benzimidazole alors synthétisés, le H 149/94 fut étudié sous le nom de picoprazole. Des observations suggérèrent qu’il puisse induire une vascularite chez le chien, jusqu’à ce que cet effet soit corrélé à l’existence chez certains animaux d’anticorps anti-imidazole acquis à la suite d’une vermifugation (on sait désormais que les Beagles utilisés pour ces tests souffraient d’une maladie génétique expliquant la survenue de vascularite…).
Une action sur la pompe à protons.
Sur ces entre-faits, les chercheurs suédois avaient compris que les composés sur lesquels ils travaillaient agissaient probablement sur la « pompe à protons » découverte en 1968 par un biologiste américain, George Sachs. Ce dernier avait lui-même suggéré que ce transporteur transmembranaire actif permettant aux protons acides de franchir la muqueuse gastrique pouvait constituer une cible idéale pour des médicaments antiulcéreux.
Les travaux reprirent alors pour découvrir des benzimidazoles s’accumulant plus facilement dans le compartiment acide des cellules pariétales. Ces recherches livrèrent, le 4 janvier 1979, un « inhibiteur de la pompe à protons » (IPP) promit à la célébrité : l’oméprazole. D’une totale innocuité sur modèle animal, il entra en phase d’essais cliniques en 1982. Son histoire connut un avatar en 1984, lorsque les toxicologues montrèrent que de fortes doses administrées sur une période prolongée à des rats pouvaient induire le développement de tumeurs endocrines de l’estomac : une étude plus approfondie montra qu’il s’agissait d’un effet de dose (une hypochlorhydrie trop importante induit une hypergastrinémie et une hyperplasie des cellules entérochromaffines avec risque de cancérisation).
Ce composé, plus puissant que les anti-H2, fut commercialisé en Europe en 1988 puis, deux ans plus tard, aux États-Unis. Dès 1996, il s’imposa comme le plus colossal succès de l’histoire de l’industrie pharmaceutique : en 2004, plus de 800 millions de patients avaient déjà été traités par oméprazole sur la planète !
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