Commençons par rappeler que l'ivermectine - excellent antiparasitaire - n'a pour l'heure pas fait la preuve de son efficacité chez l'homme atteint de Covid-19.
L'espoir était pourtant né il y a quelques mois à l'issue d'études menées, notamment par l'Institut Pasteur. La molécule avait certes montré sa capacité à réduire l'inflammation au niveau des voies respiratoires… mais seulement chez le hamster. Aucune étude sur l'homme n'est depuis venue étendre le spectre d'utilisation de l'ivermectine sur le terrain de la pandémie. En avril dernier, l'ANSM a même rejeté l'autorisation d'utilisation temporaire du produit pour traiter le Covid-19.
Pourtant, outre-Atlantique, l'automédication à base d'ivermectine fait aujourd'hui florès. Les achats explosent et les appels aux centres antipoison se multiplient : « Selon le ministère de la Santé du Mississippi, début août, 70 % des appels au centre antipoison de l’État étaient le fait de personnes ayant pris de l’ivermectine », rapporte le « New York Time ».
Remède de cheval
Problème d'autant plus préoccupant que la seule présentation non soumise à prescription de l'ivermectine est une spécialité vétérinaire bien trop dosée pour l'homme. Depuis quelques semaines, de nombreux patients se présentent aux urgences souffrant de nausées, vomissements, hypotension, voire de convulsions menant au coma et parfois à la mort.
Le 21 août, la FDA a diffusé un message conçu pour frapper les esprits : « Vous n'êtes pas un cheval. Vous n'êtes pas une vache. Sérieusement, arrêtez maintenant ! » Augmentant encore l'impact de cette automédication toxique, certains prescripteurs mal inspirés viennent gonfler le phénomène. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, les prescriptions d'ivermectine auraient ainsi bondi, de 3 600 par semaine avant la pandémie à 88 000 à la mi-août.
Le venin des réseaux sociaux
Ce qui a généré un tel comportement ? Encore et toujours les fausses informations relayées par les réseaux sociaux et portées comme des drapeaux par quelques personnalités du showbiz ou de la sphère politique américaine. Et le venin des réseaux sociaux n'épargne pas la France qui, elle aussi, a son lot d'hommes et femmes publiques fervents défenseurs de l'ivermectine. Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan ou encore François Asselineau comptent parmi ceux-là. Doit-on craindre alors que l'antiparasitaire déborde en France, comme il le fait ailleurs, du cadre de son AMM ? C'est déjà un peu le cas, témoigne Bruno Galan, président du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens d'Occitanie. « Plusieurs de mes confrères, et moi-même, ont été confrontés à ce type de prescription qui évoque clairement un usage contre le Covid, avec une dose et surtout une durée de traitement plus longue que celle recommandée contre la gale. Personnellement, je refuse de les honorer tant qu'aucune recommandation officielle ne le permet », confie-t-il au « Quotidien ». Le CROP d'Occitanie a d'ailleurs déjà été saisi par des patients mécontents qu'on leur refuse la délivrance, témoigne Bruno Galan.
Les Antilles sous le feu des rumeurs
En Martinique, plus qu'en métropole, la « sauce » de l'ivermectine indiquée dans le Covid, semble avoir pris… Pour amplifier la certitude d'un remède caché efficace sur le coronavirus, une rumeur de pénurie est même venue susciter l'envie. Il y a bien eu une vraie rupture durant deux semaines suite à des prescriptions un peu anarchiques mais les stocks sont reconstitués, a expliqué à « LCI » Claude Marie-Joseph, président du CROP de Martinique selon lequel une vingtaine de médecins réaliseraient aujourd'hui des prescriptions d'ivermectine dédiées au Covid. Dans ce contexte, la question de la responsabilité du pharmacien en cas d'intoxication reste discutée. Le médecin, lui, bénéficie d’une liberté de prescription (article 8 et 40 du code de déontologie et article
L.162-2 du code de la Sécurité sociale), y compris pour des médicaments qui n’ont pas reçu d’AMM…