Une expérimentation dans les Hauts-de-France

Grippe : un questionnaire pousse des professionnels de santé à se faire vacciner

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Publié le 14/10/2019
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Grâce à un questionnaire utilisant les techniques de la communication engageante, la proportion de professionnels de santé désirant se faire vacciner contre la grippe a augmenté de 28 %, dans le cadre d'une expérience menée auprès de pharmaciens et d'infirmiers des Hauts-de-France.
grippe

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Crédit photo : stoubon

Connaissez-vous les nudges ? Il s'agit de dispositifs qui influencent les motivations d'un individu ou l'incitent à prendre une décision sans forcément qu'il en ait conscience. L'exemple le plus frappant est celui d'une mouche qui a été dessinée dans les urinoirs d'un aéroport néerlandais. La présence de l'insecte factice a poussé inconsciemment les hommes à la viser. Ce qui a permis de réduire de façon conséquente les frais d'entretien.

Les nudges sont une des nombreuses techniques issues des études de sciences sociales sur la motivation et l'engagement des individus. Ces théories peuvent-elles être appliquées à la vaccination ? C'est ce qu'a testé la start-up Héroïc santé, avec l'institut d'administration des entreprises (IAE) de Lille.

Cette dernière vient de livrer les résultats d'une expérimentation menée cet été dans les Hauts-de-France. En faisant répondre plus d'un millier de professionnels de santé à un questionnaire sur leur état vaccinal, l'entreprise est parvenue à augmenter de 28 % la proportion de personnes désirant se faire vacciner contre la grippe. « Or, quand on regarde le meilleur taux de progression (des campagnes de vaccination classiques), il est de 9 % maximum, rappelle Philippe Mougin, président d'Heroic santé. Le questionnaire fonctionne donc. »

1 204 réponses en plein été

D'une durée de 10 minutes, ce dernier était destiné à connaître la position de professionnels de santé des Hauts-de-France concernant la vaccination. Il a été adressé à 13 000 professionnels de santé entre le 8 juillet et le 11 août 2019, via les URPS infirmiers et pharmaciens des Hauts-de-France et plusieurs établissements (le CHU de Lille, le centre hospitalier de Tourcoing et le Groupement hospitalier de l'Institut catholique de Lille - GHICL) ;1 204 personnes y ont répondu.

L'originalité de ce questionnaire est qu'il a été construit en employant des approches issues des théories de la communication engageante. Son déroulé « va engager les individus à agir d'une façon donnée », explique le Dr Dominique Crié, professeur à l'IAE. Concrètement, « on fait réfléchir la personne sur le sujet, on lui demande ce qu'elle compte faire, ce qui exige un effort cognitif. C'est ce qu'on appelle le processus d'engagement. À partir de là, le "questionné" n'est plus passif : il est impliqué dans le questionnaire par ses réponses ». Puis le profil du répondant est analysé : veut-il contrôler sa peur (par exemple sa peur des aiguilles) ou, au contraire, contrôler le danger (celui de transmettre la grippe à ses proches) ?

Contrôler sa peur ou contrôler le danger ?

En fonction de son profil, le répondant a alors accès à des informations de nature différente, auxquelles il est a priori plus sensible. À celui qui veut contrôler sa peur, explique Dr Crié, « on délivrera des messages rassurants, du type "pensez à vous faire vacciner". À celui qui souhaite contrôler le danger, on accentue la menace par des messages de type "si vous ne vous faites pas vacciner, vous perdrez toute chance de vous protéger et de protéger les autres", ce qui le pousse à bouger très vite ».

Résultats : après avoir répondu au questionnaire, 28 % des professionnels non vaccinés en 2018-2019 comptent se faire vacciner cette année. Parmi ces « convertis », 65 % se disent même prêts à faire la promotion de la vaccination antigrippale auprès de leurs confrères et collègues, dont 21 % acceptaient d'être recontactés à ce sujet en début de campagne vaccinale.

Quant aux professionnels vaccinés l'année dernière, 99 % disent qu'ils se referont vacciner cette année et 67 % qu'ils inciteront leurs confrères et collègues à faire de même. Ces résultats montrent que ce type d'enquête est « efficace pour amener les professionnels de santé à se vacciner et à devenir promoteurs de la vaccination », constate son initiateur. Et que la perspective de protéger les personnes fragiles les motive plus à se vacciner que le fait de se protéger soi-même ou d'agir par devoir.

Géraldine Langlois

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3548