Une affection dermatologique et non pas allergique
Selon la classification de l’EAACI (European Academy of Allergy and Clinical Immunology), il existe deux grands types d’urticaire chronique, l’Urticaire Chronique Spontanée (UCS) caractérisée par l’apparition spontanée des lésions et une évolution imprévisible (5), et l’urticaire physique ou inductible, déclenchée par exemple par la pression, la chaleur, le froid et les frottements (5,6). « Urticaire inductible signifie qu’elle est reproductible et donc évitable » souligne le Dr Guez. « De plus, ces deux types d’urticaire peuvent être intriqués (1) ; on parle alors d’urticaire chronique spontanée avec composante inductible » précise le Dr Clavero.Par définition, l’urticaire est chronique lorsque les symptômes évoluent sur plus de 6 semaines (6,7).
L’UCS se caractérise par l’apparition spontanée de papules mobiles, fugaces (d’une durée habituellement inférieure à 24 heures) et prurigineuses, de taille, de forme et de nombre variables, confluentes ou non, à contours nets et réguliers (7). L’aspect classique est celui de la piqûre d’ortie (7). Leur consistance est ferme ou élastique ; leur localisation ubiquitaire (7). Ces lésions disparaissent sans laisser de traces durables (7).
Dans 40 à 50 % des cas, un angio-œdème (ou urticaire profonde) est également présent (5,7). Les lésions ont l’aspect de tuméfactions fermes, pâles, plus douloureuses que prurigineuses, pouvant persister 48 heures à 72 heures (7). « L’angio-œdème peut se localiser au niveau du visage, de la bouche, des mains, des pieds, des muqueuses ou des organes génitaux, en sachant que le visage peut être totalement respecté » précise le Dr Lons-Danic.
« Le diagnostic positif d’UCS repose notamment sur la recherche de 4 signes cliniques : le caractère fugace, la rougeur, le prurit et la mobilité des plaques. Le caractère récidivant de l’éruption avec une fréquence variable est également en faveur du diagnostic. » explique le Dr Du-Thanh. « Il convient de rechercher dans l’histoire du patient un angio-œdème, un terrain atopique (antécédents personnels ou familiaux d’asthme, rhinite allergique, eczéma (7)) et un terrain auto-immun (5) » ajoute le Dr Roussey.
Il faut également rechercher les facteurs pouvant déclencher les crises ou aggraver une urticaire chronique, comme la prise d’opiacés (sirops antitussifs), d’AINS ou de salicylés « à dose antalgique d’utilisation très fréquente », précise le Dr Leder, mais aussi le stress, les infections, la fièvre, l’exposition au froid, à la chaleur, au frottement et à la pression ; ainsi qu’un dermographisme (lésions linéaires déclenchées par le grattage et la friction) (5,7).
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Points clés de la prise en charge des patients atteints d’UCS
« Une fois le diagnostic posé, en l’absence de tout élément orientant vers une cause allergique, il est très important de dire au patient que l’UCS n’est pas allergique ni contagieuse et de le rassurer en cas d’œdème facial » insiste le Dr Thetis.De l’avis des experts, il conviendrait en premier lieu « d’évaluer l’importance du retentissement de l’UCS sur la qualité de vie. Aider le patient à mieux comprendre sa maladie et son évolution est aussi primordial et contribue à rassurer le patient. À cette occasion, l’étiologie doit être abordée en expliquant simplement au patient que la physiopathologie exacte de l’UCS reste inconnue (8) ; mais qu’une cellule de la peau est au cœur de la pathologie : le mastocyte (8), qualifié de “fragile” pour la bonne compréhension du patient. Les conseils d’éviction des facteurs déclenchants doivent alors être expliqués. Dans le cadre de l’aide à l’observance thérapeutique, il est également nécessaire d’expliquer au patient pourquoi le traitement a été prescrit, le choix des doses et comment bien suivre le traitement. Il convient alors d’avertir le patient qu’il doit bien prendre son traitement sans interruption même si les plaques ont disparu, pendant toute la durée prescrite et que c’est un traitement qui peut être pris sur du long cours ». Les experts rappellent que « le traitement de première intention de l’UCS sont les anti-H1, préférentiellement de deuxième génération (6). En effet, ces derniers ont une demi-vie longue et entraînent moins d’effets secondaires et d’interactions médicamenteuses (7). » Les experts rappellent que « la corticothérapie par voie générale n’a pas sa place dans la prise en charge de l’UCS et devrait justifier une consultation spécialisée (7). »
Enfin, « recommander au patient des sites d’information validés par le professionnel de santé, lui remettre des documents explicatifs simples et l’inciter à poser toutes les questions auxquelles il pense, complètent la prise en charge – un patient informé vit mieux avec sa maladie ».
Un parcours de soin simple
Concernant le parcours de soin, le Dr Guez résume la discussion des experts ainsi : « en cas de doute diagnostique sur l’UCS, le médecin généraliste ne devrait pas hésiter à adresser le patient au dermatologue. En effet, urticaire aiguë et urticaire chronique sont deux affections différentes. Si l’urticaire aiguë peut relever d’une prise en charge allergologique, l’urticaire chronique est une pathologie dermatologique exceptionnellement allergique ».« De son côté, le pharmacien qui suspecte une UCS, adressera le patient au médecin traitant. »
À RETENIR (1-2, 7-9)
– Prévalence : 1,8 % des adultes, les femmes sont 2 fois plus touchées que les hommes
– Affection dermatologique inflammatoire chronique
– L’UCS n’est pas une pathologie allergique
– Rôle central du mastocyte dit « fragile »
– Association des 4 signes : plaques rouges, prurigineuses, fugaces et mobiles +/- angio-oedème
– Le pharmacien est un partenaire essentiel pour accompagner le patient ayant une UCS
– Affection dermatologique inflammatoire chronique
– L’UCS n’est pas une pathologie allergique
– Rôle central du mastocyte dit « fragile »
– Association des 4 signes : plaques rouges, prurigineuses, fugaces et mobiles +/- angio-oedème
– Le pharmacien est un partenaire essentiel pour accompagner le patient ayant une UCS
Références :
(1) Greenberger P.A. Chronic urticaria: new management options. World Allergy Organization J 2014;7:31-37.
(2) Balp MM. et al. The impact of chronic urticaria from the patient’s perspective: a survey in five European countries. Patient 2015;8:551-58.
(3) Vestergaard C, Deleuran M. Chronic spontaneous urticaria: latest developments in aetiology, diagnosis and therapy. Ther Adv Chronic Dis 2015;Vol. 6(6):304–313.
(4) Ben-Shoshan M et al. Psychosocial factors and chronic spontaneous urticaria: a systemat ic review. Allergy 2013;68:131–141.
(5) Ferrer M et al. Management of urticaria: not too complicated, not too simple. Clinical & Experimental Allergy 2014;45:731–743.
(6) Maurer M et al. Revisions to the international guidelines on the diagnosis and therapy of chronic urticarial. JDDG 2013;971-7.
(7) ANAES, SFD. Conférence de consensus - Prise en charge de l’urticaire chronique. Ann Dermatol Venereol 2003;130:1S182–92.
(8) Ferrer M. Immunological events in chronic spontaneous urticaria. Clin Transl Allergy 2015;5:30-38.
(9) Augey F et al. Urticaire chronique : actualités physiopathologiques et retentissement sur la prise en charge. Réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie 2014 déc;33-37.
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