En 2013, l’impact des édulcorants était déjà discuté mais les études en population n’étaient pas concluantes. Pour éclairer le débat, nous avons alors analysé dans la cohorte E3N la consommation de boissons light de plus de 66 000 femmes suivies 14 ans. Ce premier travail a montré qu’à quantité égale consommée, le risque de diabète est plus élevé lorsqu’il s’agit de sodas light versus sodas classiques. Le surrisque de diabète augmente respectivement de 15 et de 60 % pour des consommations de 0,5 l/semaine et de 1,5 l/semaine de sodas light par rapport à une même quantité en sodas sucrés. En revanche aucun surrisque n’était retrouvé entre consommation de jus de fruits pressés et risque de diabète.
Rebelote avec la consommation de sucrettes et sachets édulcorants
Aujourd’hui, dans un second travail publié récemment (2) et présenté à la SFD (3) ont été analysés la consommation d’édulcorants alimentaires et l’impact de sa fréquence (jamais-rarement/la moitié du temps/toujours ou presque - et de sa durée - moins de 3 ans/3-5 ans/5-10 ans/plus de 10 ans) sur le risque de diabète. L’analyse portait sur plus de 61 000 femmes jeunes - 52 ans d’âge moyen -, et sans surpoids - IMC moyen : 23 kg/m2, suivies durant 18 ans (1993-2011).
« À nouveau la consommation d’édulcorants est associée à un surrisque significatif de développer un diabète de type 2. Il persiste même après ajustement sur l’indice de masse corporelle (IMC). Les femmes qui remplacent toujours ou presque le sucre par un édulcorant ont un risque quasi-doublé par rapport aux non-utilisatrices (RR = 1,8 ; RR = 1,3 après ajustement sur l’IMC). Il en est de même pour une durée d’utilisation de plus de 10 ans (RR = 2 ; RR = 1,15 après ajustement sur l’IMC) ».
Intrication de plusieurs mécanismes
Dans cette cohorte prospective la fréquence et la durée d’utilisation d’édulcorants alimentaires augmentent le risque de diabète indépendamment des principaux facteurs de risque même si la corpulence y participe. « Le risque est quasi doublé si on les utilise de façon systématique ou durant plus de 10 ans. Et ce surrisque persiste quand on exclut les diabètes apparus durant les 5 premières années de suivi. Un biais de causalité inverse est donc fort peu probable », souligne G Fagherazzi.
Les mécanismes physiopathologiques impliqués sont encore assez mal connus mais plusieurs hypothèses sont évoquées. La consommation chronique d'édulcorants semble augmenter l'appétence au sucre et la consommation alimentaire/calorique global. De récents travaux montrent qu'elle appauvrit par ailleurs la variabilité du microbiote intestinal. Elle tendrait aussi à augmenter la sensation de faim et à promouvoir une dérégulation du métabolisme glucidique et à une insulinorésistance au long cours.
Pour un principe de précaution
« Pour mémoire en 2013 l'autorité européenne (EFSA) avait conclu à l'absence de tout risque sur l'aspartame. On peut d'ailleurs s'étonner qu'à l'époque notre première étude n'ait pas été utilisée dans l'analyse… Mais, sans clore le débat, nos données plaident pour la mise en œuvre du principe de précaution. Et compte tenu du bénéfice risque, il faut au moins faire passer un message de modération sur la consommation en édulcorants ».
(1) G Fagherazzi et al. Consumption of artificially and sugar-sweetened beverages and incident type 2 diabetes in the Etude Epidémiologique auprès des femmes de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale–European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition cohort. Am J Clin Nutr March 2013;97:517-23
(2) G Fagherazzi et al. Chronic Consumption of Artificial Sweetener in Packets or Tablets and Type 2 Diabetes Risk: Evidence from the E3N-European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition StudyAnn Nutr Metab 2017;70:51-58
(3) G Fagherazzi et al. Utilisation d'édulcorants dans l'alimentation et risque de diabète de type 2: résultats de l'étude E3N.
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