Une femme sur huit développe un cancer du sein. Trois quarts de ces cancers expriment le récepteur aux œstrogènes (RE+) et nécessitent cette hormone pour leur croissance. Ces cancers RE+ sont souvent traités par le tamoxifène (hormonothérapie) qui inhibe compétitivement le signal œstrogène sur la tumeur, procurant un bénéfice aussi bien au stade précoce qu’au stade avancé.
Toutefois, le développement d’une résistance au tamoxifène et la progression métastatique sont des causes majeures de décès chez les patientes ayant un cancer du sein RE+.
« Les patientes ayant un cancer du sein RE+ présentant un cancer métastatique hormonorésistant ont une espérance de vie très médiocre, avec une survie habituellement inférieure à cinq ans compte tenu des options thérapeutiques limitées », rappelle le Dr Senthil Muthuswamy, chercheur en cancérologie au BIDMC (Beth Israel Deaconess Medical Center) de la Harvard Medical School à Boston (États-Unis).
« Nos découvertes en laboratoire (culture cellulaire et souris) démontrent que si l’on diminue les taux de leucine, on inhibe la prolifération des cellules tumorales, tandis que si l’on augmente les taux de leucine, on favorise leur prolifération. En outre, nos résultats ouvrent la possibilité qu’un régime alimentaire faible en leucine puisse être bénéfique pour les patientes atteintes d’un cancer du sein RE+ ».
Les protéines animales sont riches en leucine
« Les protéines animales étant plus riches en leucine que les protéines végétales, cette étude identifie une stratégie d’intervention alimentaire pour les patientes ayant un cancer du sein RE+ », explique le Dr Muthuswamy qui a conduit l’étude publiée dans la revue Nature.
Parmi les 20 acides aminés présents dans notre organisme, la leucine est l’un des 9 acides aminés essentiels qui doivent être apportés par l’alimentation. Certains aliments, comme le bœuf, le poulet, le porc et le poisson sont riches en leucine. « Nos recherches ne suggèrent pas que les protéines animales stimulent la croissance des cellules cancéreuses du sein… elles impliquent seulement que le fait de réduire l’apport de leucine pourrait être bénéfique pour les patientes diagnostiquées avec un cancer du sein RE+ », précise le chercheur.
De façon surprenante, les chercheurs ont aussi découvert que les cellules devenues résistantes au tamoxifène acquièrent la capacité à croître en dépit de faibles taux de leucine. Des recherches plus poussées ont révélé qu’une protéine à la surface des cellules, appelée SLC7A5 (Solute Carrier Family 7 member 5), nécessaire au transport de la leucine dans la cellule, est présente à des taux plus élevés dans les cellules résistantes au tamoxifène (formes aggressives).
L’inhibition du SLC7A5 permet une réduction tumorale
L’augmentation du taux de SLC7A5, induite par la protéine de polarité cellulaire LLGL2, permet aux cellules d’absorber plus de leucine et est une condition suffisante pour rendre les cellules du cancer du sein résistantes au tamoxifène. Inversement, la simple inhibition du SLC7A5 par un agent chimique suffit à réduire la taille des tumeurs RE+ dans un modèle animal. Ainsi donc, l’inhibition du SLC7A5 pourrait offrir une approche thérapeutique potentielle pour les cancers du sein RE+.
« Avant cette recherche, nous n’avions aucune raison de penser que la biologie des œstrogènes puisse affecter les taux intracellulaires de leucine. Nous avons découvert un nouveau domaine de la biologie des récepteurs aux œstrogènes, ouvrant la voie à de nouvelles stratégies pour optimiser les traitements chez les patientes présentant un cancer du sein hormonorésistant », note le premier auteur de l’étude, Yasuhiro Saito, chercheur au BIDMC.
« Pour autant, cette découverte est cohérente avec de précédentes études indiquant qu’une baisse de l’apport global en leucine pourrait améliorer la santé métabolique », souligne le Dr Muthuswamy. Des études chez les rongeurs ont montré que le fait de diminuer globalement les protéines dans l’alimentation peut améliorer la santé métabolique et la longévité.
Des études récentes chez l’homme et chez la souris ont montré qu’un régime alimentaire faible en leucine peut procurer des bénéfices similaires. Et s’il peut être difficile de satisfaire les besoins nutritifs quotidiens avec un régime de restriction protéique, un régime favorisant des protéines végétales à faible teneur en leucine pourrait constituer une meilleure alternative pour les patientes ayant un cancer du sein RE+. « Cependant, une étude clinique bien contrôlée serait nécessaire pour confirmer les bénéfices », prévient le Dr Muthuswamy.
« Nous examinons maintenant, dans des modèles animaux, si une alimentation pauvre en leucine peut être bénéfique pour contrôler la croissance cellulaire d’un cancer du sein RE+. De plus, nous envisageons de développer des inhibiteurs du SLC7A5 qui pourraient offrir une thérapie potentielle pour lutter contre la résistance endocrinienne », confie au Quotidien le Dr Muthuswamy.
Y. Saito et al, Nature, 10.1038/s41586-019-1126-2, 2019.
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