Tous les professionnels de santé sont concernés par l’épuisement, l’alcoolisme et autres addictions, ou le suicide : médecins, infirmier(e)s, étudiants en médecine, kiné, chirurgiens-dentistes, directeurs d’hôpitaux ou de cliniques, mais aussi pharmaciens. De plus en plus. En cause la surcharge de travail, les contraintes professionnelles et administratives qui s’accumulent, la montée des incivilités et des menaces verbales, les exigences des patients et la judiciarisation, les agressions physiques et les braquages et, selon les professions, la concurrence vive, les conflits organisationnels avec la hiérarchie et les collègues, le sentiment de ne pas être reconnu et valorisé, etc.
Les pharmaciens aussi
Même si l’on manque encore de statistiques fiables par profession de santé, des études récentes montrent que le burn-out est très fréquent. Dans une enquête menée via Internet auprès de 1 905 professionnels de santé, 52 % disent avoir été ou être touchés et 14 % ont eu ou ont des problèmes d’addiction. Les médecins sont les plus touchés : cancérologues, anesthésistes-réanimateurs, médecins de soins palliatifs, gériatres et généralistes surtout ; 6 % ont été ou sont concernés par l’alcoolisme, 8,5 % par les anxiolytiques et les antidépresseurs et 1 % par les stupéfiants. Une enquête réalisée auprès de 1 890 généralistes, rapportée par Didier Truchot (université de Franche-Comté), montre que 29 % d’entre eux ont déjà eu des idées suicidaires dont 6 % durant les six derniers mois. Tous ces états de faiblesse influencent nécessairement les prises de décisions…
Les pharmaciens, soumis à des contraintes financières de plus en plus fortes, et parfois amenés à recourir à des vigiles, ne sont pas épargnés. « En France, les chiffres manquent mais il semble que le taux d’addictions, facilitée par l’accès direct aux médicaments, soit un peu plus élevé que chez les autres professionnels de santé : 11 à 15 % dans une enquête américaine de 2008 contre 8 à 12 % », souligne le Pr François Paillé, président du Conseil national professionnel d’Addictologie (CNPA). « Il faut dire que les pharmaciens ne sont pas formés aux addictions (25 heures de cours pendant leurs études). C’est dommage pour les patients… et pour eux-mêmes », déplore Michaël Naassila, de l’université d’Amiens, président de la Société française d’alcoologie (SFA).
S’inspirer des expériences étrangères
Bien que le burn-out ne soit pas reconnu comme maladie professionnelle, « le sujet n’est plus tabou dans le monde du travail et un rapport sur la question sera remis aux pouvoirs publics avant juin 2016. Mais chez les professionnels de santé c’est plus difficile à concevoir. Et pourtant… », regrette Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats de pharmaciens d’officine (FSPF). Le Centre national des professions de santé (CNPS), qu’il préside aussi, a d’ailleurs demandé à être auditionné dans le cadre de ce rapport.
Difficile d’être confronté à l’image négative du burn-out de l’addiction, de se traiter soi-même ou de s’en remettre à un collège avec la crainte de voir son travail évalué… les freins à une prise en charge des professionnels de santé sont nombreux. Pour toutes ces raisons, des structures spécifiques, ne les mélangeant pas à d’autres patients et éloignées du lieu d’exercice, apparaissent comme une bonne solution. Des expériences étrangères, notamment américaines et anglaises, se révèlent efficaces. À Barcelone, les résultats enregistrés par la clinique Galatea depuis 1998 sont très positifs.
En France, les initiatives destinées à aider les professionnels de santé en grande souffrance sont timides : numéro d’appel mis en place par l’Association Aide aux professionnels de santé et médecins libéraux (AAPML) et service d’écoute, de soutien et d’orientation 24h/24 et 7 j/7 pour les professionnels d‘anesthésie-réanimation.
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Françoise Amouroux
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