C’EST À PARTIR d’un arbre, le niaouli, que toute l’histoire du Laboratoire du Goménol va se construire. Mais le végétal, il faut dire, n’est pas des plus communs : issu de la famille des Myrtaceae et originaire du Pacifique sud, dont il peuple volontiers les territoires – on le trouve notamment en Australie et en Nouvelle- Calédonie – il est doté d’une écorce claire et molle, à l’aspect étonnant. Disposée en couches successives, elle semble s’exfolier d’elle-même, si bien qu’on lui donne souvent le nom « d’arbre à peau ». Ses fleurs, épis duveteux de couleurs rose ou blanche, le caractérisent aussi. Mais ce sont ses feuilles persistantes, fines et odorantes, qui vont, pour la pharmacopée, constituer tout l’intérêt de l’arbre. De cela, cependant, l’initiateur des gammes Gomenol n’est pas encore conscient.
À Paris, en 1888, Jules Prevet s’est spécialisé dans l’industrie alimentaire. La Compagnie française d’alimentation, qu’il dirige aux côtés de son frère, Charles, cherche à étendre ses sources d’approvisionnement. La Nouvelle Calédonie, annexée par la France 35 ans plus tôt, ferait un fournisseur idéal en bovins, qu’elle abrite en trop grand nombre, notamment. Rapidement, l’archipel du Pacifique accueille donc une conserverie des usines Prevet. Dès la première année, la production est massive : 1 100 000 boîtes de conserve de viande, 150 tonnes de suif, 70 tonnes de savon, 8 000 tonnes de peau sont issues de la fabrique néocalédonienne installée sur le territoire de Gomen…
Sujet d’exposition.
La cueillette du café est une autre activité très répandue sur l’île. Chez ceux qui la pratiquent, elle occasionne cependant de multiples blessures. Des plaies que les cueilleurs ont l’habitude de soigner à l’aide du niaouli dont ils mâchent les feuilles jusqu’à former une pâte qu’ils appliquent sur les lésions. Ces emplâtres de fortune évitent aux blessures de s’infecter. Un effet qui ne passe pas inaperçu aux yeux de Jules Prevet qui a tôt fait de rapporter ses observations – et leur objet – en France. Les feuilles en question, et surtout leur essence, sont analysées. Elles révèlent des propriétés thérapeutiques plus qu’intéressantes, antiseptiques, anesthésiques et cicatrisantes. Il n’en faut pas d’avantage pour convaincre l’industriel parisien du bien fondé de sa découverte, une trouvaille qui va fonder toute une gamme de médicaments et de soins pharmaceutiques.
Très logiquement, le principe actif tiré des feuilles de niaouli est baptisé « Gomenol » en hommage à la région qui l’a révélé. Obtenu par distillation faite par entraînement à la vapeur d’eau, il prend la forme d’une huile essentielle très pure. Avant son emploi industriel, cette essence est mise en contact avec du carbonate de sodium anhydre afin de lui garantir une absence d’acidité. Le procédé est complété par l’utilisation d’amidon qui débarrasse l’essence de tout excédent d’eau. En 1893, la marque Gomenol est déposée et, quelques années plus tard, le produit sera présenté hors concours à l’exposition universelle de 1900. L’étendue de ses applications, il faut dire, est impressionnante. L’essence, en effet, est indiquée en cas d’affection des voies respiratoires (bronchite simple et chronique, coqueluche, tuberculose, rhume, catarrhe, laryngite), de l’appareil gynécologique (métrite, endométrite) et urinaire (cystite, urétrite), et de la sphère intestinale (entérite, dysenterie, fièvre typhoïde, diarrhée cholériforme). Elle est également utilisée dans le cadre d’affections rhumatismales, en grande et petite chirurgie, lors d’accouchement, et concourt aussi au traitement des brûlures, des plaies accidentelles et des abcès…
La première formule à porter le nom de Gomenol est une forme soluble destinée aux états congestifs des voies aériennes supérieures à administrer par aérosolthérapie. Bien d’autres spécialités suivront, puisant allègrement dans tout l’éventail de la diversité galénique : Huile Goménolée (2 % et 5 %) et Vaseline Goménolée, dédiées aux rhinites croûteuses post-traumatiques et aux soins postopératoires de chirurgie endonasale, Goménoléo voué à la lubrification des sondes urinaires et des instruments d’endoscopie…
Du confort pour le corps.
Pommade, onguent, baume, suppositoire, ovule, cigare, savon, dentifrice sont d’autres expressions de la marque porteuse du précieux principe actif issu des feuilles de niaouli. De 1893 à 1914, le Gomenol fait ainsi l’objet de plus de 50 communications à l’Académie de médecine. Messieurs Hupier et Grandjean, respectivement pharmacien et chimiste, président aux premiers pas de la gamme, gérant la fabrication des produits pour le compte de Jules Prevet. Dans l’entre-deux-guerres, c’est le fils de l’industriel, François Prevet, qui prend en charge l’exploitation des produits. Pharmacien de formation, c’est pourtant une toute autre carrière que le jeune homme va épouser. Une fois la seconde guerre mondiale achevée, il va en effet présider la Chambre nationale des fabricants de produits pharmaceutiques et deviendra également le président du Conseil supérieur de la pharmacie, institué en 1941. D’honorables fonctions qu’il n’occupe pas sans avoir confié, au préalable, les rênes de l’entreprise familiale – et tout l’avenir du Gomenol – à Jean Reusse, un confrère rencontré dans le cadre belliqueux du conflit qui venait d’enflammer le monde pour la seconde fois. Ce dernier va poursuivre l’œuvre initiée quelques décennies plus tôt sans jamais démériter. Pour preuve, la mise au point, aux côtés du Pr Quevauviller, d’une formule qui fait office de référence en matière de traitement des crampes musculaires idiopathiques nocturnes. Il s’agit de l’Hexaquine, qui demeure à ce jour une des principales spécialités du laboratoire.
D’autres innovations vont cependant voir le jour. Les dernières auront lieu sous la présidence de Patrick Choay qui va s’employer à donner une impulsion nouvelle au Laboratoire du Gomenol. La sphère respiratoire va ainsi se voir consacrer une nouvelle référence, sous le nom de Gomenol liquide, dont la formule se destine à l’inhalation par fumigation. Puis, en 2010, c’est une gamme entière de produits conseils à base d’huile essentielle de niaouli qui voit le jour. Baptisée Confort, elle comprend quatre références vouées à soulager les maux du corps malmené par le rythme de la vie moderne : VeinoGomenol, PodoGomenol, ArthroGomenol et ThermoGomenol visent respectivement les jambes fatiguées, les pieds secs, la mobilité des membres et les douleurs articulaires et musculaires. La toute jeune ligne vient donc seconder, sur le mode du soin, la gamme de formules historiques développée par le laboratoire, et qui conserve cinq références phare à son actif (Gomenol soluble, Gomenol liquide, Huile Goménolée, Vaseline Goménolée et Goménoléo). Spécialiste incontesté de l’essence de niaouli purifiée, l’inventeur du Goménol n’a cependant pas dit son dernier mot en matière de lancement et la dernière des gammes pourrait bien accueillir de nouvelles références dédiées au « Confort » du corps.
3 questions à…
Françoise Amouroux
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