EN FIN de semaine dernière l’hôpital Louis-Mourier de Colombes, dans les Hauts-de-Seine, a adressé un courrier à 254 patients, les informant qu’ils sont susceptibles d’avoir été en contact, direct ou indirect, avec des personnes atteintes de gale. Ces patients sont invités à contacter leur médecin traitant ou à prendre rendez-vous en consultation de médecine de l’hôpital (01.47.60.67.71). « Nous avons ouvert des plages supplémentaires de consultations dédiées afin que ces patients puissent être vus par un dermatologue dans la journée ou dans les deux jours », explique le Pr Jean-Damien Ricard, président du comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN).
Un homme hospitalisé à deux reprises cet été dans le service d’hépato-gastro-entérologie et présentant une forme rare de gale atypique est à l’origine de l’épidémie détectée le 8 septembre. « Il s’agit d’une gale norvégienne, une forme extrêmement profuse et hyperkératosique et paradoxalement moins prurigineuse que la gale classique, caractérisée par une augmentation des démangeaisons le soir ou après un bain chaud », souligne le Pr Ricard. Le patient est d’abord traité pour un eczéma. Ce n’est que lors d’une deuxième hospitalisation en août dernier que le diagnostic de gale est évoqué « devant la persistance des lésions diffuses eczématiformes résistant au traitement bien conduit ». Un prélèvement effectué confirme la présence de Sarcoptes scabiei hominis.
Onze infirmières.
Le cas est immédiatement signalé à l’agence régionale de santé (ARS) et des investigations sont menées au sein de l’hôpital par l’unité d’hygiène et de lutte contre les infections nosocomiales (UHLIN), le CLIN, la médecine du travail et le service concerné. Des mesures d’isolement du patient sont prises. « Trois ou quatre infirmières se sont immédiatement plaintes de symptômes évocateurs de gale. L’ensemble du personnel en contact avec le patient a été vu par le médecin du travail et le diagnostic de gale posé chez 11 infirmières », indique le président du CLIN. Au recensement des soignants susceptibles d’avoir été contact avec le patient infecté, s’ajoute celui de tous les patients qui ont pu être en contact avec lui ou avec des soignants infectés. « Un travail de fourmi indispensable pour avoir l’exhaustivité », relève le Pr Ricard. À ce jour, un seul cas de transmission à un patient ayant partagé la même chambre que le patient index est à signaler. « Compte tenu de la durée d’hospitalisation – un peu plus de trois semaines lors de la première hospitalisation – et du nombre d’infirmières contaminées, on peut considérer que les mesures d’hygiène sont plutôt bien respectées à Louis-Mourier », commente le Pr Ricard. Des mesures d’hygiène indispensables, de même que la désinfection à l’aide d’acaricides du linge et de la literie qui ont été en contact avec le patient ont été mises en place.
Cas nosocomiaux stables. Selon le président du CLIN, des épidémies de gale surviennent régulièrement dans les établissements de soins mais, contrairement à la gale communautaire, dont l’incidence est en hausse, « on ne peut par parler d’une recrudescence » de ce type d’épidémie. Une étude de l’Institut de veille sanitaire publiée en avril dernier le confirme. « Concernant les infections nosocomiales, la proportion des signalements d’épisodes de gale est restée stable (de 2 à 3 %) par rapport à l’ensemble des infections signalées », précise l’étude. Intitulée « La gale est-elle en augmentation en France ? », l’étude dresse un état des lieux à partir de diverses enquêtes régionales et nationales, compte tenu de l’absence de système de surveillance de la gale en France et donc de signalement des cas communautaires. Les données indirectes de consommation médicamenteuse (vente d’acaricides) entre 2005 et 2009 sont en faveur d’une augmentation d’incidence en France. L’étude recommandait de renforcer la sensibilisation et la diffusion des informations auprès des généralistes, des partenaires de santé publique et du public.
Divers documents de référence sont disponibles pour la prise en charge individuelle et collective des épisodes de gale, notamment l’avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF, juin 2003) et les recommandations concernant la gale dans les établissements
de soins élaborées par le Centre de coordination et de lutte des infections nosocomiales (CClin) du Sud-Ouest (2004).
La forme dite gale norvégienne, très contagieuse, est la plus à risque d’être responsable d’épidémies au sein des collectivités. « Il faut y penser devant des lésions diffuses eczématiformes persistantes », conclut le Pr Ricard.
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Françoise Amouroux
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