« La voix est une chose assez étonnante. Nos cordes vocales sont composées d’un tissu qui doit être suffisamment flexible pour vibrer, mais aussi suffisamment solide pour s’entrechoquer des centaines de fois par seconde. Ce tissu remarquable est difficile à reproduire », souligne le Dr Nathan Welham, chirurgien ORL, orthophoniste et chercheur à l’université du Wisconsin-Madison (États-Unis).
Situées au sein du larynx, les cordes vocales (CV) se présentent comme 2 cordons blancs nacrés, qui s’ouvrent lors de la respiration et se rapprochent et s’accolent pour vibrer lors de la phonation. Lorsqu’elles sont sérieusement endommagées – par traumatisme du larynx (accident, intubation…), maladie ou résection – la voix devient faible (dysphonie) ou n’est plus audible (aphonie) et il existe peu d’options thérapeutiques.
Comme décrit dans la revue « Science Translational Medicine » du 18 novembre, pour créer une muqueuse des CV par ingénierie tissulaire, l’équipe du Dr Welham a d’abord recueilli les CV d’une personne décédée quelques heures plus tôt, et chez 4 autres personnes subissant une laryngectomie pour un cancer n’affectant pas les CV.
Les chercheurs ont isolé les cellules épithéliales et les fibroblastes des CV, et les ont mis en culture sur une trame tri-dimensionnelle de collagène, comme cela est fait pour créer artificiellement de la peau en laboratoire.
En deux semaines, les cellules se sont multipliées pour former un tissu, composé de tissu conjonctif flexible et solide, couvert par des cellules épithéliales.
Cette muqueuse artificielle ressemble à une muqueuse de CV normale, non seulement par sa structure mais aussi par la production de protéines. Les tests physiques montrent que les cellules épithéliales ont commencé à former une membrane basale immature, fonctionnant comme une barrière rudimentaire contre les organismes pathogènes et les irritants des voies aériennes. La matrice extracellulaire est toutefois moins complexe que celle des CV adultes, ce qui n’a pas surpris les chercheurs puisque les CV humaines continuent de se développer jusqu’à 13 ans après la naissance.
Lorsque ces muqueuses sont implantées ex vivo dans des larynx extraits de cadavres de chien, elles vibrent sous l’effet d’un courant d’air humide, et produisent un son similaire à celui des CV. Lorsqu’elles sont greffées chez des souris au système immunitaire humanisé, ces muqueuses survivent et sont bien tolérées par le système immunitaire.
« Il semble que les CV issues du génie tissulaire pourraient, comme la cornée, représenter un tissu immuno-privilégié, ne suscitant pas de réponse immune de l’hôte », précise le Dr Welham. Les applications cliniques devront malheureusement attendre encore plusieurs années de recherche, notamment pour évaluer la sécurité et la fonction à long terme. Pour les chercheurs, cette étude preuve de concept constitue une référence solide vers le remplacement du tissu des cordes vocales.
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