Les mots du client
- « Ma fille de deux ans est allergique au blanc l’œuf, est-ce que je peux préparer sa purée en ajoutant un jaune d’œuf bien séparé du blanc ?
- Mon fils est allergique au lait de vache, peut-il consommer du lait de brebis, de chèvre ou de soja ?
- Depuis des années je suis allergique au fenouil mais depuis quelque temps je fais de l’urticaire quand je mange du céleri. Est-ce normal et dois-je me méfier de tous les légumes ?
- Mon mari est allergique à l’arachide depuis l’enfance, puis-je masser mon bébé avec de l’huile d’amande douce sans craindre de réaction immédiate ? »
Rappel physiopathologique
Les réactions allergiques, quelle qu’en soit la cause, sont liées à un mécanisme immunologique complexe qui fait intervenir un enchaînement d’événements dont les immunoglobulines E (IgE). Ces dernières sont responsables d’une réaction excessive à des éléments de l’environnement reconnus comme étrangers : les allergènes. Dans le cas des aliments, on parle de trophallergènes. L’allergie alimentaire vraie se déroule en deux temps : la phase de sensibilisation a lieu lors du premier contact avec l’allergène et se traduit par la production d’IgE qui se fixent sur des cellules cibles. Cette phase est silencieuse, la phase de réaction se déclenche lors d’une deuxième mise en contact de l’allergène avec l’organisme sensibilisé qui va riposter en libérant des médiateurs chimiques (histamine, prostaglandines…). La manifestation allergique est souvent cutanée (boutons, urticaires, poussées d’eczéma, œdèmes des lèvres) mais elle peut aussi se traduire par des crises d’asthme, des rhinites, des troubles digestifs, voire des réactions anaphylactiques graves nécessitant une hospitalisation.
Les questions à l’officine
Quelle est la différence entre intolérance, vraie et fausse allergie ?
L’allergie alimentaire vraie est IgE dépendante, alors que les intolérances alimentaires ne relèvent pas d’un mécanisme immunitaire (exemple : intolérance au lactose due à un déficit enzymatique en lactase). Quant à la fausse allergie alimentaire, elle survient après l’ingestion d’aliments riches en histamine (choucroute, poisson frais, vin, aliments fermentés…) et tyramine (chocolat), ou contenant des substances histaminolibératrices (fraise, tomate, crustacés…), elle ne fait pas intervenir de mécanismes immuno-allergiques.
Dans l’allergie vraie, une quantité infime de substance peut suffire à tout provoquer alors que dans la fausse allergie c’est la quantité d’aliment qui déclenche les symptômes.
À quoi est due la maladie cœliaque ?
Ce n’est pas une allergie au sens strict mais une intolérance aux protéines de gluten d’origine auto-immune. En effet, certaines fractions du gluten présentes dans le blé, l’orge et le seigle, provoquent une réaction inflammatoire intestinale à l’origine d’une malabsorption qui s’accompagne de nausées, de ballonnements, d’une alternance de diarrhées et de constipation. Elle a deux pics de fréquence, entre six mois et deux ans et chez l’adulte entre 20 et 40 ans. Elle peut avoir des complications graves (anémie, amaigrissement, carences en fer et vitamine B12).
Dans ce cas, quel est le régime à suivre ?
Le régime sans gluten est préconisé à vie, il exclut le blé, l’orge et le seigle mais autorise le riz et le maïs. Les aliments diététiques sans gluten bénéficient d’une prise en charge par la Sécurité sociale dans certaines conditions. L’association Afdiag (Association française des intolérants au gluten) édite des régimes détaillés avec la liste régulièrement réactualisée des aliments autorisés et interdits.
L’allergie à l’œuf de poule est-elle fréquente ?
C’est la plus fréquente des allergies alimentaires chez l’enfant avant trois ans. Les symptômes sont cutanés (eczéma) ou respiratoires (asthme) et ils diminuent avec l’âge. Les protéines allergisantes (ovalbumine, ovotransferrine, ovomucoïde, conalbumine, livétine, lysozyme) sont essentiellement contenues dans le blanc, mais il existe souvent une allergie croisée entre le blanc et le jaune. Certains tolèrent les œufs cuits. Les réactions peuvent se manifester par simple contact de la peau ou des muqueuses avec le blanc.
Quels sont alors les aliments à exclure ?
Le régime d’éviction est difficile car l’œuf est très utilisé dans l’industrie alimentaire comme additif ou ingrédient. Il est présent dans des produits de base (pains spéciaux, pâtes…) ou cuisinés (viandes panées, saucisses, crèmes, sauces…), mais aussi dans des cosmétiques (shampooings). L’allergie peut également survenir pendant l’allaitement via le lait de la mère.
L’arachide est-elle un allergène dangereux ?
L’arachide est un allergène à déclaration obligatoire. En effet, la dose qui déclenche la réaction peut être très faible (100 µg de cacahuète suffisent !) mais les réactions sont particulièrement sévères et les chocs anaphylactiques sont fréquents. L’arachide peut être consommée sous forme de cacahuètes, d’huile même raffinée, ou de beurre. Les symptômes se manifestent après ingestion orale mais quelques cas sont dus à un contact cutané, voire à l’inhalation de vapeurs à l’ouverture d’une boîte de beurre de cacahuète.
Quelles sont les mesures à prendre ?
Le régime d’éviction doit être strict, or l’arachide est utilisée de façon cachée par l’industrie alimentaire (soupes, céréales, gâteaux, mélanges apéritifs, glaces et entremets, fruits secs et oléagineux, substituts de viande et charcuterie…). Il faut aussi se méfier des fréquentes allergies croisées aux autres noix (cajou, amandes, pistaches). Chez l’enfant atopique, il est déconseillé d’utiliser des crèmes, des savons ou des huiles de massage à base d’huile d’amande douce.
Qu’appelle-t-on allergies croisées ?
Parfois, l’organisme sécrète des IgE non spécifiques qui vont réagir avec un plus grand nombre d’antigènes, et ainsi se développent des allergies croisées, soit entre deux aliments (céleri et fenouil), soit entre aliments et pollens (bouleau et pomme, ou ambroisie et céleri). Le risque peut aussi survenir des chaînes croisées dans les produits alimentaires industriels ou les préparations culinaires (huile pour graisser un moule).
Quelles sont les plus connues ?
L’arachide avec les légumineuses (lentilles, pois chiche, soja, haricot). Le latex avec l’avocat, la banane, le kiwi, le litchi, la châtaigne. Le pollen de bouleau avec la pomme, la poire et certains fruits rouges, et avec les amandes et les noisettes. Les pollens d’armoise et d’ambroisie avec le céleri.
Faut-il se méfier des additifs alimentaires ?
Leur ingestion via les produits transformés est très fréquente. Ceux qui déclenchent le plus d’intolérance sont les colorants, les conservateurs antiseptiques et antioxydants, les agents de texture (gélifiants, émulsifiants, épaississants), les arômes et les édulcorants. Les sulfites utilisés pour le brunissement des fruits et légumes frais posent des problèmes sanitaires, notamment chez les asthmatiques.
Quels examens et dans quel cas ?
Identifier une allergie alimentaire n’est pas toujours facile mais une fois connue, sa prise en charge doit se faire sous le contrôle d’un spécialiste en raison de la gravité des manifestations. La recherche étiologique est indispensable pour ne pas limiter abusivement la consommation d’aliments ou au contraire risquer un choc anaphylactique par négligence.
Comment détecter l’aliment responsable ?
Pour trouver le coupable, l’enquête commence par un interrogatoire précisant les conditions de survenue des symptômes et les horaires de prise. L’allergie alimentaire est quasi certaine en raison du moment de survenue rapide postprandiale. L’enquête se poursuit en consignant les aliments suspectés d’être à l’origine de la réaction postprandiale. L’allergie à un aliment peut survenir à un moment donné, sans raison, alors que l’aliment a été consommé jusqu’alors sans problème.
Existe-t-il une symptomatologie typique ?
Le prurit de la paume des mains et de la plante des pieds est très évocateur d’une manifestation anaphylactique. L’urticaire généralisée, le prurit du palais et la gêne respiratoire sont aussi des signes d’allergie.
Comment orienter le diagnostic par la biologie ?
Les seuls examens à réaliser en médecine générale reposent sur le dosage des IgE spécifiques des aliments en cause (exemple crevettes, fraises, saumon) et le patient ne doit consommer aucun des trois aliments suspects jusqu’au diagnostic définitif. Cette interdiction est absolue car il existe un risque vital lors d’une nouvelle consommation d’un des ces aliments. La spécificité et la sensibilité du dosage des IgE ne sont pas à 100 %, il existe des faux négatifs et des faux positifs et il est nécessaire de confirmer le résultat avec des prick-tests.
En quoi consistent ces tests ?
Ces tests explorent l’hypersensibilité immédiate par piqûre épidermique. Ils sont réalisés par l’allergologue avec les aliments suspects, soit à partir d’extraits allergéniques du commerce, soit directement à partir des aliments apportés par le patient. La difficulté réside dans le fait que l’allergène alimentaire peut pénétrer par différentes voies : digestive, cutanée (crème à base de lait ou d’avoine par exemple), ou respiratoire (inhalation de vapeur de crustacés).
Quand utiliser les patchs tests ?
Ce sont des tests épicutanés qui détectent l’hypersensibilité retardée : l’allergène suspecté est laissé en place sur la peau pendant 48 heures sous occlusion. Cette technique pourrait permettre de supprimer les tests de provocation (labial, oral) potentiellement dangereux.
Les traitements et les précautions à prendre
Comment identifier une allergie alimentaire ? Lorsqu’une allergie alimentaire se déclare toute denrée devient suspecte. Le pharmacien peut aider le patient à réagir rapidement et efficacement en lui recommandant des mesures simples :
- Noter minutieusement les conditions de survenue des symptômes, les aliments ingérés dans les deux heures qui les ont précédés (l’allergie survient le plus souvent dans un délai de moins de deux heures) ;
- Conserver les étiquettes de tous les produits, et garder au congélateur ce qui reste des aliments et des boissons ;
- Continuer l’enquête pendant plusieurs jours en consignant chaque jour tout ce qu’il mange et boit, les horaires de prise, les réactions éventuelles ;
- S’informer sur les risques et les moyens de les prévenir en se rapprochant des associations de patients, ou en consultant le réseau de surveillance des réactions allergiques www.cicbaa.com
Peut-on désensibiliser à un aliment ?
La désensibilisation n’existe pas pour les aliments. Une fois repéré l’aliment en cause, la seule mesure efficace est son éviction stricte ainsi que celle des produits finis pouvant en contenir. Mais, dans certains cas, les évictions sont impossibles ou risquent de conduire à des régimes trop restrictifs et déséquilibrés. Le traitement de l’allergie est conduit avec l’aide de diététiciennes.
Comment se comporter en cas de repas pris à l’extérieur ?
Prévenu de son allergie, le patient doit redoubler de prudence lors des repas pris en dehors de son domicile et demander absolument la composition des plats et des sauces. Il doit apprendre à déchiffrer scrupuleusement les étiquettes : la directive européenne 2007 fixe une liste de 14 ingrédients susceptibles de provoquer des allergies et des intolérances alimentaires, et les allergènes doivent être indiqués sous leur appellation commune. Attention, les excipients et l’enrobage de certains médicaments peuvent également être en cause et représenter un risque vital (à l’arachide par exemple).
Quels sont les médicaments à prendre en urgence ?
Le médecin prescrit trois types de médicament à conserver sur soi en cas de nécessité : un antihistaminique de type cétirizine, un corticoïde orodispersible type prednisolone et de l’épinéphrine (adrénaline) auto injectable (type Anapen). L’épinéphrine est utile en cas de choc et plus son injection est précoce plus elle a de chances d’être efficace, une injection à travers un pantalon peut sauver la vie. Munissez-vous d’une trousse d’urgence et faites-la vérifier régulièrement à la pharmacie
Comment alimenter un bébé allergique ?
Dès la naissance, un nourrisson peut être sensibilisé à un ou plusieurs aliments. Une sensibilisation in utero peut également se produire et la future maman doit y penser. Le pharmacien peut renseigner sur les précautions à prendre : éviction des aliments contenant de l’arachide pendant la grossesse et l’allaitement ; allaitement maternel conseillé pendant 4 à 6 mois ; pas de préparations bébé à base de soja avant 6 mois ; une diversification alimentaire repoussée après l’âge de 6 mois voire 9 mois ; pas de kiwi, céleri, œuf, poissons et crustacée avant 1 an.
Quel lait donner en cas d’allergie au lait de vache ?
En cas d’allergie aux protéines du lait de vache (caséine, bêtalactoglobuline), des réactions croisées sont fréquentes avec le lait des autres mammifères (brebis, chèvre, ânesse, jument). Les laits de soja peuvent eux-mêmes provoquer une allergie. Le lait peut être remplacé par un lait hypoallergénique dont les protéines ont été hydrolysées ou des formules spécifiques (hydrolysats sans caséine) vendues en pharmacie. Cette allergie disparaît chez 80 à 90 % des enfants vers 12-18 mois. Pour diagnostiquer cette allergie il existe un patch test prêt à l’emploi simple et fiable (Diallertest).
Peut-on vacciner un enfant allergique à l’œuf ?
La contre-indication absolue des vaccins contenant des protéines d’œufs (oreillons, rougeole, grippe) est remise en cause. En pratique, il est recommandé de vacciner sous surveillance médicale ou hospitalière uniquement les enfants qui ont montré des réactions allergiques graves. L’administration peut se faire à doses croissantes, ou un test allergologique cutané peut être proposé avant la vaccination. Il est possible de prescrire un antihistaminique le jour de la vaccination.
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Françoise Amouroux
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