Emboîtant le pas au Royaume-Uni, la France a décidé hier d’ajouter l’Inde à la liste des pays dont les voyageurs sont soumis à une quarantaine obligatoire. En cause : un variant du SARS-CoV-2, dit indien, qui pourrait rendre le virus plus contagieux et capable d’échapper aux vaccins. Si rien n’est encore scientifiquement prouvé, le principe de précaution prévaut alors que l’épidémie a atteint son plus haut niveau en Inde, où 315 000 nouveaux cas ont été enregistrés hier et où les enfants ne sont plus épargnés.
Oui au principe de précaution, mais ne cédons pas à la panique. C’est en substance le message diffusé par les scientifiques et autorités sanitaires depuis qu’un nouveau variant dit indien fait la une des tabloïds. Oui, il y a lieu de le surveiller, de le séquencer et de prendre toute mesure pour éviter son expansion. Mais pour le moment, rien ne dit qu’il soit en cause dans la flambée épidémique que connaît l’Inde depuis ces deux dernières semaines.
Les données accessibles sont encore partielles. Néanmoins, les experts soulignent que ce variant, le B.1.617, détecté dans l’ouest de l’Inde en octobre 2020, n’a pas pris le pas sur les autres souches du SARS-CoV-2 comme l’a fait le variant britannique en France en seulement trois mois, désormais majoritaire à plus de 80 %. Pour Santé publique France, « à ce stade, (...) aucun lien n'est établi entre l'émergence de ce variant et la dégradation récente de la situation épidémiologique » en Inde, qui pourrait être, « au moins en grande partie, due aux nombreux grands rassemblements qui ont eu lieu récemment partout dans le pays et à une faible adoption des mesures de prévention par la population générale ».
Selon le Centre de biologie cellulaire et moléculaire de la ville de Hyderabad en Inde, il faudra encore une à deux semaines pour en savoir plus sur ses capacités de transmission et d’échappement immunitaire. Le variant indien est qualifié de double mutant en raison de la présence de deux mutations préoccupantes sur la fameuse protéine Spike, celle-là même qui permet au virus de s’acoquiner avec les récepteurs ACE2, sa porte d’entrée dans l’organisme humain. La mutation E484Q est très proche de celle observée sur les variants sud-africain et brésilien, la E484K, elle-même soupçonnée de favoriser l’échappement immunitaire. Cependant, a assuré hier le virologue et membre du Conseil scientifique Covid-19 Bruno Lina, « la mutation 484 peut être en partie responsable d'un échec immunitaire, mais en sachant qu'elle seule n'est pas suffisante. Il faut qu’elle soit éventuellement associée à d'autres mutations que l'on ne voit pas dans ce variant indien ». L’autre mutation, la L452R, a déjà été repérée dans un variant en Californie et pourrait augmenter la transmission. C'est la première fois que ces deux mutations sont détectées dans un variant à diffusion importante.
Là encore, Bruno Lina rassure au micro de France Inter : « Quand on regarde la proportion de virus double mutant qui circule en Inde, pour l'instant, elle est extrêmement faible par rapport au reste des virus qui circulent », le variant britannique étant toujours « responsable d’à peu près 80 % des infections ». Ce variant reste donc minoritaire en Inde, et « même dans l'État Maharashtra où il circule, (…) l'extension de l'épidémie y est due au variant britannique ». Ainsi, c’est lui qui est en cause dans la contamination des plus jeunes. « Le variant britannique a tendance à infecter plus facilement les tranches d'âge plus jeunes (...) qui étaient épargnées avec le virus historique. Donc, ce que les Indiens observent, c'est ce qu'on a observé nous aussi en Europe. »
Quant à sa diffusion hors Inde, le virologue indique que le variant indien a été repéré dans plusieurs pays d’Europe, comme au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique, mais « pour l'instant nous ne l'avons pas détecté en France ». Il est aussi présent au Canada, en Australie, à Singapour… donc « dans de nombreux pays mais en très petite quantité ».
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