L’insuline, l’interféron, l’érythropoïétine, les hormones de croissance, de nombreux vaccins… les officinaux n’ont pas attendu les solutions anti Covid pour optimiser leur chaîne du froid. Habitués à respecter rigoureusement les consignes des produits thermosensibles, ils se trouvent aujourd’hui face à un nouveau défi, l’arrivée sur le marché de vaccins soumis à des températures négatives, tels que le Corminaty de Pfizer/BioNTech et le Moderna.
Le premier ne devrait pas, pour l’heure, être distribué en ville, malgré la demande des pharmaciens et l’accord du laboratoire. « La stratégie actuelle consiste à réserver ce blockbuster aux centres de vaccination ainsi qu’aux EHPAD, lesquels sont nombreux à passer une deuxième commande », a déclaré mardi dernier la Task Force vaccin du gouvernement à l’occasion de son point hebdomadaire. Le second, en revanche, lui aussi vaccin à ARNmessager, pourrait arriver rapidement dans les officines, y compris pour la vaccination. « Nous sommes en discussion avec les professionnels concernés », a précisé la Task Force. Si sa conservation est moins complexe que celle du Pfizer (voir tableaux ci-dessous), le vaccin Moderna introduit une nouvelle donne dans la chaîne du froid, d’autant qu’il est appelé à cohabiter dans les frigos de l’officine avec le vaccin AstraZeneca et bientôt le vaccin Janssen du Laboratoire Johnson & Johnson.
Comme l’a souligné Walter Arnaud, responsable pôle logistique au ministère des Solidarités et de la Santé (1) « la cible vaccinale augmentant plus vite que les livraisons, il doit y avoir zéro temps perdu, zéro gaspillage et surtout zéro perte ». Cet objectif suppose une maîtrise totale de la chaîne du froid, de la sortie d’usine au dernier kilomètre.
Les pharmacies sont-elles équipées pour stocker ces vaccins ?
Les officines sont pratiquement toutes équipées d’enceintes professionnelles. Elles disposent aujourd’hui de tous les outils et informations pour aborder la conservation des produits thermosensibles, à travers les recommandations de l’Ordre des pharmaciens ou encore, pour celles engagées dans une démarche qualité, par le référentiel. « Nous avons identifié quatre points critiques, la réception où il faudra contrôler la température des vaccins par thermoflash, le stockage dans une enceinte cartographiée en neuf points, la dispensation et la gestion des dysfonctionnements », expose Martine Costedoat, directeur général de PharmaSystèmeQualité. La pharmacienne juge indispensable l’utilisation d’une alarme en complément de la sonde qui enregistre la température au fur et à mesure. De même, elle préconise le relevé manuel le matin à l’aide d’un thermomètre mini-maxi, permettant de détecter d’éventuelles variations pendant la nuit.
Que faire en cas de rupture de la chaîne du froid ?
Fabian De Paoli (1), directeur de la distribution vaccins chez GSK, insiste sur la nécessité absolue de tracer tout incident lié à la chaîne du froid. Le premier geste consiste à notifier sur le produit « ne pas utiliser », à documenter ce qui s’est passé, en précisant la date, l’heure ainsi que les températures minimales et maximales auxquelles le produit a été soumis, de même que les coordonnées de la personne pouvant fournir des informations supplémentaires sur cet incident. Enfin, le laboratoire fabricant doit être contacté pour connaître la marche à suivre.
Comment stocker ces différents vaccins au sein d’un même frigo ?
La stabilité fragile des vaccins à ARNmessager complexifie leur conservation. Sensibles à la lumière, ils requièrent une porte de frigo opaque. Ils doivent être manipulés avec précaution. Il n’est donc pas question de les secouer, ni de les recongeler ! Les flacons doivent être tenus à la verticale, être bien identifiés dès leur réception et stockés dans des zones qui leur sont propres. Ceci est d’autant plus important quand ils sont ouverts !
Le Pr Vincent Boudy, MCUPH (2) à l’AP-HP et à la faculté de pharmacie de l’université de Paris, ne recommande pas de replacer le flacon dans le frigo après chaque injection. « Cela aurait une influence sur les autres, la température pouvant remonter très vite – à 12 ou 14 °C — dès qu’on ouvre la porte », explique-t-il. Selon lui, il n’y a aucun risque à conserver le flacon à température ambiante le temps d’une série de vaccinations. Le produit conservera sa stabilité et surtout, « si on l’injecte entre +2 °C et +8 °C, cela va provoquer un effet de douleur chez le patient ».
1) Intervenant au Webinaire de Cémafroid-Groupe Tecnéa le 30 mars 2021.
2) Maître de conférences des universités-praticien hospitalier (MCU-PH).
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