Côté positif de la crise, la vente de masques et de gels a agi comme un puissant booster de marge, tout particulièrement au quatrième trimestre. Comme l’analyse Nicolas Baldo, expert-comptable chez KPMG, cet apport bénéfique est venu compenser deux éléments structurels dans la composition de la marge.
Il pointe ainsi la hausse des ventes en médicaments chers, phénomène qui ne laisse pas d’inquiéter les pharmaciens parce qu’infléchissant la marge. D'autant que leur part dans le chiffre d'affaires du médicament a augmenté de 3 % au cours de l'année dernière. Autre facteur négatif, la réforme de la MDL en 2020 a introduit un taux de marge plafonné à 10 % pour le médicament princeps sur les 5 tranches tandis que l’honoraire pour les ordonnances spécifiques reste à 3,50 euros.
Une marge brute insensible au lieu d'exercice
Par conséquent, dans la suite des trois dernières années, 2020 est marquée par une érosion du taux de marge brute. Selon les cabinets comptables, cette nouvelle baisse oscille entre 0,22 point chez Fiducial, à 30,76 %, et 0,70 point (31,10 %), chez KPMG. Chez CGP, la perte de 0,53 point porte le taux de marge brute moyen à 30,84 %.
Le taux de marge brute semble imperméable au lieu d'exercice, comme le note Nicolas Baldo. « Nous remarquons peu de différenciations, les pharmacies rurales ont plutôt récupéré, tandis que les pharmacies de centres commerciaux et dans les zones urbaines présentent des taux de marge un peu inférieurs. Elles ont subi les effets du télétravail et ont parfois été soumises à des jauges. Parfois même, elles ont pratiqué des politiques de prix sur la parapharmacie et le self care, ce qui a pu pondérer leur taux de marge », analyse l'expert-comptable. Dans les faits, cette variation entre la pharmacie des villes et la pharmacie des champs se traduit par un écart de 0,38 à 0,55 point, (le taux de marge atteignant en moyenne 31,10 % en zone rurale et 30, 55 % en zone urbaine).
L'impact des médicaments chers
KPMG utilise également la médiane qui corrige les moyennes. Or, remarque Nicolas Baldo, le taux de marge médian se situe à 31,2 % pour un taux de marge moyen de 31,1 %. Cependant, cette homogénéité ne doit pas faire oublier que 10 % des pharmacies présentent un taux de marge inférieur à 27,9 %. « Un niveau inquiétant, remarque l'expert-comptable, même si certaines typologies de pharmacies, notamment celles situées près des hôpitaux, comme à Marseille près de l'Institut Paoli, peuvent expliquer ce taux de marge bas par la vente de médicaments chers ». « Elles sont dans ce cas valorisées en fonction de cette rentabilité. Si ce n'est pas le cas, des investigations s'imposent pour déterminer d'où provient ce taux de marge bas », ajoute-t-il.
À l’inverse, 10 % des pharmacies ont un taux de marge à 34,4 %. « Ce sont les officines qui génériquent beaucoup, qui ont une part de MDL réduite, et qui font peu de discount sur la parapharmacie et le self care », analyse Nicolas Baldo. Cette élasticité de marge alerte et doit être étudiée de près, de l'avis des experts-comptables, tout particulièrement en ce qui concerne les pharmacies aux taux de marge les plus bas, afin d'en déterminer les causes.
Risques de décrochage
Il n'en reste pas moins que la hausse de l'activité, notamment dans les ventes de masques et de gels, et au quatrième trimestre dans la réalisation de tests antigéniques, évoquée plus haut, est parvenue à contrebalancer cette inflexion du taux de marge et à faire de 2020 un exercice exceptionnel en termes de résultat de la marge brute en valeur. Celle-ci se mesure de manière homogène par les trois experts-comptables qui notent une progression considérable : la rémunération officinale (voir ci-dessous) a ainsi augmenté de 10 000 à 12 000 euros, pour atteindre entre 506 800 et 597 000 euros. Comme pour le chiffre d'affaires (voir page 10), il s'agit de la meilleure variation de ces quatre dernières années. Les officines enregistrent en effet une hausse de 1,84 point, voire de 1,95 point de marge brute en valeur.
Pour positif qu'il soit, ce phénomène est cependant à suivre attentivement dans les prochaines années. Et tout particulièrement en 2022. Car les scores liés aux ventes de masques et de gels, qui ont pu gonfler artificiellement le chiffre d'affaires, pourraient retomber avec le reflux épidémique. Sans compter, signale Nicolas Baldo, que « le déremboursement de l'homéopathie et l'effet plateau sur les génériques peuvent provoquer un décrochage du taux de marge ». À suivre donc.
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