Le Quotidien du pharmacien.- Le Congrès des pharmaciens se tiendra les 25 et 26 juin, soit huit mois après celui de Lyon. Comment expliquer ce rythme inhabituel ?
Philippe Besset.- J'annonce que dorénavant tous les congrès auront lieu en juin. En effet, la tenue traditionnelle à l'automne d'un tel événement n'était pas propice à la venue des acteurs publics puisque nous nous trouvons chaque année, à cette époque, en plein lancement du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Cette année, nous avons été attentifs, de surcroît, à fixer la date fin juin en fonction des échéances électorales, soit après le deuxième tour des élections législatives, ce qui permettra aux pharmaciens de se faire entendre auprès de la nouvelle représentation nationale, tout comme auprès du nouveau gouvernement.
Quel aura été, pour la profession, l'événement le plus marquant de ce début d'année ?
Sans aucun doute, la vaccination à l'officine, inscrite à la convention pharmaceutique. L'intervention au congrès de Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), et de Valérie Garnier, pharmacienne et membre de la Commission technique des vaccinations de la HAS, témoigne de l'importance de cette avancée. Le déploiement de la convention, de manière générale, sera le fil conducteur de ce congrès.
Sur le plan conjoncturel, un aléa économique frappe l'officine comme toute autre entreprise. Il s'agit de l'inflation, qui ne manquera pas de s'inviter également dans les échanges les 25 et 26 juin.
L'inflation sera aussi au cœur du prochain PLFSS. Les pouvoirs publics doivent entendre que les pharmaciens, comme tous les acteurs économiques liés à des tarifs réglementés, sont également confrontés à l'inflation en tant qu'employeurs puisqu'ils doivent en tenir compte pour leurs équipes. Aussi, la réévaluation de la régulation doit absolument figurer au prochain PLFSS. Mais au-delà, l'assurance-maladie est aussi interpellée. Certes, elle ne recule pas devant la dépense – 1,5 milliard d'euros en 2021, 900 millions cette année - quand elle est utile à la santé publique, mais il ne faut pas perdre de vue que ces nouvelles missions financées par l'assurance-maladie engendrent du travail supplémentaire pour les pharmaciens. Nous avons par conséquent besoin d'une relation mature avec l'assurance-maladie afin d'obtenir, d'une part, une évolution de rémunération pour les actes déjà réalisés afin de garantir le pouvoir d'achat et, d'autre part, une valorisation conséquente des nouveaux actes.
Un message adressé à Thomas Fatôme, directeur général de l'assurance-maladie, qui interviendra au congrès. Cependant, comment comptez-vous convaincre vos adhérents de mettre en œuvre ces nouvelles missions dans le contexte actuel ?
Nous allons leur expliquer qu'il faut absolument les déployer. La situation est complexe, certes, mais nous en avons connu de plus difficiles dans le passé. L'officine est pleine d'opportunités. Thomas Fatôme reviendra au congrès sur tout ce qui a été fait pendant l'année, et moi j'exposerai tout le travail à accomplir à l'avenir ! Aucune revalorisation n'est actuellement évoquée à ce jour car nous avons volontairement attendu quelques mois pour rebâtir un socle raisonnable pour la base de nos négociations, hors période Covid. Mais un autre paramètre est apparu, il est vrai que depuis janvier, où nous avions une inflation à 3,10 %, nous avons pris plus de deux points entre-temps.
La pénurie de personnels est l'autre difficulté rencontrée par les officines actuellement. Comment la FSPF compte-t-elle aborder ce sujet ?
Le recrutement fait l'objet d'une grande enquête que nous avons lancée début mai et dont nous attendons les résultats à la fin du mois. Ils seront lourds d'enseignement. Car les problèmes de recrutement sont multifactoriels. Ils pointent la formation, l'attractivité du métier, la qualité de vie au travail… Autant de sujets auxquels nous nous sommes attelés au cours de ces dernières années. La formation a évolué avec le DEUST pour les préparateurs, par exemple. Le métier devient par ailleurs de plus en plus attractif car les tâches à l'officine se sont considérablement diversifiées. Le métier a changé. Quant à la qualité de vie au travail, nous avons comme d'autres secteurs d'activité, des amplitudes d'horaires importantes pour répondre aux besoins de nos patients, ce qui génère effectivement des contraintes sur le temps de travail.
Ces particularités ne vont-elles pas une nouvelle fois être abordées au cours de la nouvelle phase de négociation que vous venez d'entamer avec les représentants des salariés ?
Il est clair qu'avec la formation, les évolutions des salaires à l'embauche et la revalorisation des minima vont être mises sur la table des négociations. Mais j'attends la loi sur le pouvoir d'achat pour me prononcer. Va-t-on pouvoir utiliser la prime Macron comme élément de négociation collective ? La loi va-t-elle permettre de l'institutionnaliser ? Je sais par ailleurs que les centrales représentants les salariés sont très attachées à la notion de charges sociales.
Pour revenir au congrès, un événement inédit marquera le début de cette rencontre. Le vendredi, journée traditionnellement dédiée à la formation des cadres syndicaux, un débat sera proposé en visioconférence entre les pharmaciens et les médecins généralistes, eux-mêmes, en congrès à Dijon. Quel sens donner à cette démarche inédite ?
Jusqu'à présent, les échanges ont toujours eu lieu entre les représentants des deux professions. Ils ont toujours été de nature cordiale. Cette initiative va permettre, le 24 juin, aux adhérents d'échanger librement sur des thèmes qui leur sont communs. Je constate qu'au sommet des représentations, tout comme sur le terrain, une bonne entente règne entre pharmaciens et médecins. Les principales dissonances sont le fait d'échanges sur les réseaux sociaux, c'est le seul endroit où les choses se grippent.
Or l'interprofessionnalité nous tient beaucoup à cœur. Elle sera très présente au congrès, notamment à travers l'ESCAP* qui fera l'objet d'un atelier pratique le dimanche. Il s'agit pour nous d'une coordination de proximité incarnant un outil de lien ville-hôpital et de lutte contre la désertification médicale. L'ESCAP permet tout cela à la fois, avec et autour du patient, sans structure lourde. À condition toutefois que nous dispositions tous des mêmes logiciels.
L'ESCAP ne fera pas l'objet d'une ROSP à proprement parler, mais elle constitue un élément de la qualité des soins et on peut envisager que certains actes puissent être rémunérés dans le cadre d'un ESCAP, pour certaines typologies de patients, notamment.
* Équipe de soin coordonnée autour du patient.
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