Le Quotidien du pharmacien - Comment est venue l’idée d’inclure les pharmaciens dans le suivi des diabétiques ?
Pr Bruno Guerci - C’est la crise du Covid qui, en mettant en lumière le rôle primordial des pharmaciens dans la chaîne de soins, m’a amené à penser qu’ils pourraient jouer un rôle très important dans l’accompagnement des patients atteints de maladies chroniques, en l’occurrence de diabète. Tout au long de la pandémie, les pharmaciens ont été sur le pont, les officines sont restées ouvertes et ont délivré médicaments et matériel médical au plus proche du patient. Les officinaux se sont imposés comme des professionnels de santé de première ligne et facilement accessibles, de surcroît. D’autres pays que le nôtre, qui ont une organisation du système de santé différente de la nôtre, ont connu des difficultés de maintien de la chaîne de soins pour les patients diabétiques. En France, nous n’avons pas connu de complication majeure, notamment grâce aux pharmaciens, qui confèrent au système de soins une grande solidité. Notamment parce qu’ils sont accessibles facilement et que les patients peuvent les consulter sans rendez-vous. Enfin, comme le généraliste, le pharmacien permet une continuité plus importante du lien que les spécialistes.
2 à 4 heures par semaine durant 3 mois, c’est la durée de la formation que le pharmacien aura dû suivre avant de commencer les entretiens avec ses patients
Comment s’organise le dispositif de suivi pour les pharmaciens d’officine ?
Nous ne voulions pas être trop directifs sur le rôle du pharmacien concernant l’accompagnement du patient, nous avons donc laissé les modalités, comme la durée de l’entretien par exemple, à son appréciation. Le pharmacien dont le patient est sélectionné suit une formation initiale de 2 à 4 heures par semaine durant 3 mois, puis peut commencer les entretiens avec son patient. La formation comprend quatre modules : Rôle du pharmacien et bases du diabète, Pompes et capteurs prescrits, Manipulation pompes et capteurs et Manipulation des boucles fermées. Ce dernier module inclut des saynètes et des mises en situation interactives. Chaque module inclut un chapitre Écoute active et empathie. Les officinaux formés sont ensuite accompagnés tout au long de l’expérimentation par un prestataire de soins qui propose des modules de suivi, des vidéos, des webinaires, des saynètes avec des questionnaires. L’interrelation se poursuit. Un protocole d’entretien sera mis sur pied à l’issue de l’étude à partir de nos données qui nous apporteront le recul nécessaire. Concernant la rémunération du professionnel, l’entretien mensuel sera rémunéré à hauteur de 25 euros hors taxes et l’entretien réglementaire semestriel à hauteur de 100 euros hors taxes, soit 500 euros annuels par patient. Cela permet de valoriser le temps passé par le pharmacien à accompagner le patient.
Notre étude, d’envergure nationale, implique déjà une trentaine de centres de diabétologie.
Qu’est-ce que ça donne jusqu’ici ? Quelques résultats en avant-première ?
Notre étude, d’envergure nationale, implique déjà une trentaine de centres de diabétologie. Nous avons proposé un quiz à 2 000 patients que nous suivions déjà, nous avons reçu 800 réponses et ce qui nous a permis de sélectionner 420 patients diabétiques de type 1 bénéficiant d’une pompe à insuline, de capteurs de glucose, voire de boucles fermées, qui ont été intégrés à l’étude. Cette dernière est randomisée, ce sont donc la moitié des patients qui auront un suivi renforcé par l’implication de leur pharmacien. Pour évaluer la détresse des patients liée au diabète, qu’elle soit personnelle ou sociale, nous cherchons à évaluer le plus largement l’impact psychique de cette maladie chronique. Pour cela, nous faisons remplir à plusieurs reprises un questionnaire aux patients. Nous pouvons ainsi quantifier l’évolution de la détresse des patients, et l’intérêt de la présence du pharmacien dans le dispositif. Les formulaires sont récupérés et analysés par une agence spécialisée. Nous n’avons pas encore de résultat concret, ni même de tendance, puisque nous avons lancé cette étude il y a seulement un an. Seuls 4 patients ont terminé le parcours.
Propos recueillis par Arthur-Apollinaire Daum.
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