Le Quotidien du pharmacien.- Cas de figure exceptionnel, le calendrier de la profession est marqué cette année par deux événements concomitants, le Congrès des pharmaciens et les négociations avec l’assurance-maladie. Quel message entendez-vous porter à vos confrères à Deauville, samedi et dimanche ?
Philippe Besset.- De fait, la convention, ou plutôt l’avenant économique de la convention puisqu’il s’agit bien de cela, sera au cœur des communications. J’aurai demain une assemblée générale qui devra se positionner sur la dernière mouture. Enfin, celle produite par l’assurance-maladie. Sera-t-elle la dernière ? Je l’ignore. Je sais, en revanche, que j’ai besoin de ce temps démocratique pour décider de la voie à suivre. Sur les propositions qui sont acceptables et sur celles qui sont à notre portée d’obtenir. Car je pense que Thomas Fatôme n’a pas encore épuisé tout le potentiel de son mandat. C’est ensuite que nous nous adresserons à l’interministériel -le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère de la Santé- afin d’obtenir une compensation pour les deux années qui nous séparent de 2027, date à laquelle le milliard d’euros de revalorisation sera atteint.
Quel œil portez-vous sur le déroulement des échanges avec l’assurance-maladie et les pouvoirs publics ?
Les négociations avec l’assurance-maladie sont en l’état globalement acceptables, nous devons cependant nous entendre sur le chiffrage. Toutefois, nous demandons à être entendus des autres acteurs, Matignon, Bercy… car nos sujets d’inquiétude dépassent le champ de l’assurance-maladie, ce sont la disponibilité des médicaments, l’avenir du réseau officinal, la manière de travailler, les nouvelles technologies… Ces différents sujets suscitent de l’inquiétude, sans compter les déclarations de Gabriel Attal souhaitant développer la vente sur Internet à travers la pharmacie d’officine.
Aujourd’hui, toutes les pharmacies doivent disposer d’une vitrine sur Internet. À mon avis, cette solution doit venir des groupements.
Plus encore que de l’inquiétude, cette intention a suscité un tollé au sein du réseau. Comment pensez-vous y répondre ?
Ces déclarations peuvent être interprétées de deux manières, soit il s’agit d’une amélioration du service aux patients, soit il s’agit d’une pharmacie disposant d’un hangar à Roissy et qui remplace les pharmacies de village. Et de cela, il n’en est pas question. Étrangement, pourtant, je ressens moins cette volonté dans les discours politiques. La parole politique tant à Bercy qu’au ministère de la Santé, s’est affirmée très volontaire pour défendre le maillage officinal et contrer la financiarisation. J’ai plutôt que le sentiment que l’idée des stocks déportés émane de certains pharmaciens. C’est le faux nez d’Amazon.
Personnellement, je pense que la réponse doit être identique dans sa méthode, à celle que nous avions initiée dans les années quatre-vingt. À l’instar de la volonté, à l’époque, de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France que, face aux pharmacies mutualistes, tout le réseau officinal pratique le tiers payant, aujourd’hui, toutes les pharmacies doivent disposer d’une vitrine sur Internet. À mon avis, cette solution doit venir des groupements.
Il y a aujourd’hui 5 000 communes en France où il n’y a qu’une seule pharmacie
Selon quel modèle ?
Il n’est pas question d’adopter le modèle de la vente en ligne, style Amazon, c’est-à-dire à partir d’un entrepôt géant, mais bien de s’inspirer des pratiques de la grande distribution. Le modèle Leclerc, par exemple, repose uniquement sur la vente en ligne partant du point de vente de proximité. Cela pourrait être appliqué à la pharmacie qui, via son groupement, pourrait prendre les commandes et en assurer les livraisons.
Vous êtes particulièrement sensible à la préservation du maillage officinal. Lors des négociations avec l’assurance-maladie, vous avez insisté sur l’aide aux pharmacies implantées dans les territoires fragiles. Avez-vous été entendus ?
C’est un sujet majeur. Nous avons le soutien du président de la commission santé de l’Association des maires de France, qui s’est d’ailleurs prononcé sur les ondes en faveur de notre mobilisation du 30 mai. La population est avec nous. C’est une responsabilité qui nous incombe, nous devons être au rendez-vous. Et cela va se retranscrire dans le texte conventionnel, puisque l’assurance-maladie va allouer aux pharmacies rurales en difficulté une aide de 20 000 euros par an, qui pourra être reconduite. Les modalités restent à définir. Les pharmaciens y auront accès en fonction des critères d’éligibilité déterminés par le décret. Ils devront être seuls au pays, réaliser un chiffre d’affaires inférieur à 1,3 million d’euros, être situés dans une zone déficitaire en médecin et répondre à des critères populationnels. Il y a aujourd’hui 5 000 communes en France où il n’y a qu’une seule pharmacie. Et il faut absolument éviter que celle-ci disparaisse. Toutefois, ce dispositif ne concerne pas les zones urbaines car les pharmacies n’y sont pas isolées. En revanche, elles seront accompagnées par des revalorisations, c’est le rôle de la convention.
La grève du 30 mai était pour moi un moyen d’interpeler la population sur les difficultés rencontrées par leur pharmacien.
La défense de pharmacie d’officine se situe aujourd’hui à un nouveau tournant, il ne suffit plus seulement d’obtenir que les honoraires soient revalorisés et, avec eux, la rémunération officinale, mais bien d’assurer la pérennité du réseau mis à mal par l’érosion de la marge et certaines volontés politiques consistant à modifier le modèle de la pharmacie à la française.
Certes, il y a le chiffrage de ces revalorisations mais il y a au-delà un autre enjeu qui est le timing de ces négociations. Si nous les loupons, nous devrons attendre notre tour, et nous perdrons deux ans. Or je le dis en tant que président de la FSPF mais aussi en tant que président des Libéraux de santé, le monde de la santé s’accélère à une telle vitesse qu’il est désormais impossible de se reposer sur des négociations quinquennales. Il faudrait trouver une solution pour éviter les crispations perpétuelles qui, en France, et pas seulement dans le secteur de la pharmacie, conduisent inévitablement à une épreuve de force.
Et par conséquent à la grève et à des manifestations, comme nous l’avons vécu il y a tout juste une semaine. Qu’en est-il de l’unité syndicale à laquelle vous aviez appelé lors de votre élection à la présidence de la FSPF ?
J’ai des appels de syndicats départementaux, certains pharmaciens souhaitent revenir dans la « grande maison ». Cependant, j’entretiens d’excellents rapports avec Pierre-Olivier Variot (président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine N.D.L.R.) et nous communiquons régulièrement. Nos combats, nos ambitions sont les mêmes. Nous travaillons tous dans l’intérêt des pharmaciens. Nous avons d’ailleurs émis un communiqué en intersyndicale appelant au mouvement du 30 mai.
Vous avez poursuivi, lundi, les négociations avec les syndicats de salariés. Êtes-vous toujours dans l’impasse ?
Nous n’avons pas, à l’heure actuelle, de visibilité sur l’avenir économique de l’officine. Par conséquent, je n’ai pas de mandat pour négocier sur les salaires mais seulement sur la reclassification. Toutefois, il s’agit, dans ce domaine aussi, d’une revalorisation. Au cours des derniers mois, la CGT a toujours refusé de signer, elle demandait 10 %. Les autres syndicats ont accepté et ont finalement obtenu dans la durée. 14 points de revalorisation en trois fois ! Je ne crois pas au « Grand soir ». Je suis pour la politique des petits pas.
Dans ce cas, pourquoi être descendu dans la rue le 30 mai ?
Je sais pourquoi j’ai manifesté jeudi dernier. La mobilisation a été l’occasion d’émettre un signal fort sur le péril qui menace la pharmacie de proximité. Il faut y prendre garde tant qu’il est encore temps. C’est comme pour l’accès aux médicaments, on n’a pas pris suffisamment garde aux pénuries. La grève du 30 mai était pour moi un moyen d’ interpeler la population sur les difficultés rencontrées par leur pharmacien.
Deauville 2024 : le programme
Samedi 8 juin
9h30-10h30 Inauguration par Philippe Besset, président de la FSPF, et Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP)
11h00-12h30 Avenant conventionnel : quels résultats ? Avec Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) et Philippe Besset, président de la FSPF
14h00-14h45 L’intelligence artificielle au service de la pharmacie
15h00-15h45 Place et rôle des ARS pour la pharmacie d’officine, l’exemple de l’ARS Normandie
16h15-17h30 CPTS : intérêt ou non ?
Dimanche 9 juin
9h30-10h45 Titulaire et adjoint : une association gagnante pour l’officine
11h15-12h30 Sport et douleur, quel rôle pour les équipes officinales
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