La défense du bon usage du médicament fait l’unanimité chez l’ensemble des professionnels de santé, mais aussi au sein des autorités de santé et des industries pharmaceutiques. Face à un si large consensus, les 10 000 décès et 130 000 hospitalisations par an en France pour iatrogénie médicamenteuse interrogent. Or, rappelle Eric Baseilhac, porte-parole de l’association Bon usage du médicament et directeur des affaires économiques et internationales du LEEM, « 50 % sont évitables ».
La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) se penche sur le sujet depuis de nombreuses années. Car si la France n’est plus la championne toutes catégories de la consommation de médicaments, elle reste dans le tiercé de tête des pays européens. Non pas qu’elle ait réellement diminué sa consommation de médicaments, mais des pays voisins historiquement moins consommateurs ont modifié leurs pratiques, selon le directeur de la CNAM, Nicolas Revel.
Mobiliser les compétences
Des changements de fond ont été opérés en France par l’instance, qui cite les actions mises en place avec l’industrie pharmaceutique et les associations de patients. Les transformations les plus emblématiques sont la création pour les médecins des contrats d’amélioration des pratiques individuelles des professionnels de santé (CAPI) en 2011, devenus rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) aujourd’hui, et l’évolution de la rémunération des pharmaciens pour la détacher de la boîte de médicaments.
Néanmoins, les actions entreprises pour lutter contre l’antibiorésistance et l’iatrogénie depuis deux ans affichent des résultats encore timides. Mais Nicolas Revel est convaincu d’avoir la solution pour favoriser le bon usage du médicament. « Il faut mobiliser les compétences de toutes les professions de santé dans un cadre coordonné et faire du bon usage du médicament un enjeu majeur au centre de cet exercice coordonné. » S’il place le médecin prescripteur au cœur de ce dispositif, Nicolas Revel insiste sur l’investissement auprès d’autres professionnels de santé. Il salue ainsi l’engagement des pharmaciens dans l’accompagnement des patients sous anticoagulants oraux. « Sur un million de patients concernés, il y a 17 000 hospitalisations et 4 000 décès chaque année liés à des accidents iatrogènes impliquant ces médicaments », déplore-t-il.
Favoriser les échanges
Il souligne également l’accompagnement des patients asthmatiques et se réjouit de la mise en place des bilans partagés de médication à l’officine. « Cela porte sur un potentiel de 4 millions de patients ayant au moins cinq traitements chroniques prescrits. Cette intervention plus récente des pharmaciens se développe à un rythme qui peut sembler en deçà de nos attentes, mais j’ai la conviction que cela correspond non seulement à une nécessité, mais aussi à une aspiration des jeunes générations. Je suis confiant, il y aura une montée en puissance. » Une conviction qui l’amène à finaliser actuellement une nouvelle mission des pharmaciens, en lien avec l’Institut national du cancer (INCa) : l’accompagnement des patients sous chimiothérapie orale.
Misant fortement sur l’exercice coordonné, le patron de la CNAM travaille aussi sur la mise à disposition des « outils numériques d’aide à la décision et au bon suivi des patients ». Le but est notamment de faciliter l’accès aux informations sur les médicaments pour les professionnels de santé (recommandations de bonne pratique, éléments d’evidence-based medicine, etc.), de favoriser l’utilisation des logiciels d’aide à la prescription (LAP) et de développer la prescription électronique. À terme, celle-ci permettra, « par la constitution d’une base centralisée, de favoriser les échanges d’informations entre le prescripteur et le dispensateur ».
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