LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Quel regard portez-vous sur la situation actuelle des pharmacies italiennes ?
FRANCO CAPRINO.- Nous traversons une période de crise importante et, par conséquent, les pharmacies enregistrent une diminution de leurs rentrées. Plus globalement, et notamment sur le plan politique, nous avons obtenu certains résultats avec le gouvernement Berlusconi. Ce qui n’était pas le cas avec l’exécutif de centre gauche de Romano Prodi, qui avait notamment supprimé la disposition permettant aux héritiers de conserver la propriété d’une pharmacie pendant un certain nombre d’années sans être diplômés et inscrits à l’Ordre des pharmaciens. Nous avions proposé cette modification, mais en demandant de laisser un peu de temps aux héritiers du précédent titulaire de la pharmacie pour trouver une solution. Sans parler de la loi sur la libéralisation qui a favorisé la grande distribution et les producteurs d’OTC.
La création des parapharmacies, qui impliquait des recrutements, devait relancer l’emploi. Qu’en est-il ?
Notre secteur n’est pas touché par le chômage. Nous avons même des difficultés à trouver des pharmaciens, ils travaillent tous ! C’est peut-être paradoxal pour l’Italie, mais nous avons un taux de chômage quasiment égal à zéro. Pour preuve : 96 % des jeunes diplômés trouvent un emploi au terme de leurs études et 97 % deux ans après avoir quitté l’université.
La libération aurait introduit le principe de la concurrence, donc, en principe, des avantages pour les consommateurs. Quel est votre avis ?
Selon des enquêtes effectuées sur le terrain par des pharmaciens, certains produits coûtent carrément 30 % de plus dans les hypermarchés. C’est l’histoire du miroir aux alouettes. On retouche quelques prix pour séduire la clientèle et on récupère le produit des « pertes » en augmentant d’autres produits, notamment en ce qui concerne les lignes liées à l’hygiène. Autre fait important : certains laboratoires pharmaceutiques ont diminué les dosages pour transformer des OTC en compléments alimentaires. Ces firmes affirment aujourd’hui que leurs chiffres d’affaires sur les OTC n’ont pas augmenté, tout comme la consommation d’ailleurs. Normal, puisqu’elles ont revu à la hausse leur production de compléments alimentaires ! En fait, les laboratoires ont seulement « déguisé » la production de certains types d’OTC en les faisant glisser dans la catégorie des compléments alimentaires. Au final, leurs ventes ont donc augmenté.
La transformation des pharmacies qui pourront désormais effectuer des analyses, prendre des rendez-vous et offrir des services à domicile*, ne risque t-elle pas de créer une sorte de confusion ?
Certaines pharmacies effectuaient déjà des analyses, comme la glycémie ou le cholestérol, que le client payait plein pot. Rien ne changera. En revanche, nous devons signer des accords avec les Régions et aussi les médecins de famille pour permettre aux patients qui effectueront des analyses en pharmacie de se faire rembourser. Sur le plan pratique, le fait est que le système hospitalier est congestionné. Du coup, les consommateurs doivent attendre avant d’effectuer leurs analyses, perdre du temps et de l’argent. Dans les campagnes, par exemple, les gens doivent faire des kilomètres pour trouver un hôpital. La nouvelle loi va permettre à la pharmacie d’officine de devenir un véritable point de rencontre.
En Italie comme en Allemagne, il existe des pharmacies privées et des pharmacies communales. Sur quels critères sont-elles choisies ?
En Italie, il existe deux types de pharmacies communales. D’abord, les « vraies », qui correspondent réellement aux critères imposés par la loi. Lorsqu’un pharmacien, investisseur privé, ne peut pas ouvrir d’établissement dans une ville ou une agglomération de campagne, la loi prévoit l’ouverture d’une pharmacie de propriété publique financée par la mairie. En l’état actuel, il y a 1 150 pharmacies communales en Italie, implantées pour la plupart dans les endroits les plus rentables. Et puis, il y a les pharmacies « faussement » communales. Certains grossistes avaient ouvert des chaînes de pharmacies en constituant des sociétés fantômes avec les municipalités. La répartition du capital social était simple : 80 % pour les grossistes, 20 % pour les municipalités. La durée du contrat, en revanche, était établie dans certains cas sur 100 ans. Nous avons porté plainte devant la Cour européenne de Justice et nous avons gagné. La France nous a beaucoup aidés dans la résolution de ce dossier.
Quel est le bilan des génériques en Italie ?
La marge des pharmaciens sur les ventes des génériques vient d’être augmentée. Les pharmaciens ont mis le pied sur l’accélérateur pour pousser les consommateurs à acheter des génériques. Il est certain que l’introduction des ces équivalents a fait baisser les prix de l’ensemble des médicaments. Du coup, l’écart entre le prix d’un générique et celui d’un produit dont le brevet est arrivé à échéance s’est réduit, et le consommateur préfère, dans la plupart des cas, acheter le produit qui était breveté.
En France, l’exercice officinal repose sur un triptyque : monopole sur le médicament, numerus clausus d’installation, capital des officines réservé aux seuls pharmaciens. Où en est l’Italie par rapport à ces trois points ?
En Italie, il doit y avoir une pharmacie pour 4 000 habitants. Mais il y a des dérogations. Par exemple, lorsque certains établissements sont trop petits. Nous avons grosso modo une pharmacie pour 3 100 habitants. La distance entre deux pharmacies doit être égale à 200 mètres. Cette règle ne vaut pas pour les vieilles pharmacies, car on ne peut pas les déplacer. La loi est une chose, la pratique une autre… En ce qui concerne le monopole des pharmacies, je pense que ce système offre des garanties au consommateur. Quant au capital des officines, les normes italiennes prévoient que seul un pharmacien peut posséder et gérer une officine. C’est d’ailleurs ce que la cour de Justice européenne a décrété en déclarant que « le but de cette norme est de garantir la fourniture de médicaments conformes aux réglementations sur la sécurité et la qualité des produits vendus par un professionnel de secteur ».
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