Antivax, antimasques, théoriciens du complot scientifique… les relativistes et conspirationnistes de tout poil n’ont pas attendu pour sévir sur la Toile dans le contexte de la crise sanitaire.
« Ce n’est pas une vague, mais un tsunami que l’on observe sur les réseaux sociaux », s’exclame Kalou Lilou, influenceuse spécialisée sur la vaccination. « Aux antivax, viennent s’ajouter les antimasques, anticonfinements, les antiLinky… Il y a comme une mouvance politique qui se dégage, comme si on avait récupéré des manifestants aux causes diverses et que tout ce monde se retrouvait sur Internet… Le tout dans la plus grande méconnaissance scientifique ! », analyse-t-elle. Et au final, avec 47 % de personnes qui s’informent sur Facebook, on assiste à une désinformation de plus en plus massive.
S’il est inutile de les combattre sur le terrain des médias sociaux, ces thèses peuvent être démontées dans le colloque singulier du médecin ou du pharmacien avec son patient. De même, s’il est vain de vouloir convaincre des complotistes confirmés, il est en revanche tout à fait possible, au comptoir ou lors d’un entretien pharmaceutique, de s’adresser aux « défiants ». Cette frange de la population de plus en plus sensible aux discours antimasques ou antivax, et qui a suffisamment d’arguments pour alimenter ses « doutes raisonnables ». « Ce sont des personnes défiantes de bonne foi », comme les définit Antoine Bristielle, chercheur à Sciences Po Grenoble et expert associé à la fondation Jean-Jaurès. Ces Français invoquent les messages paradoxaux émis par le gouvernement au sujet des masques, ressentis par la population comme autant d’injonctions contradictoires à quelques semaines de distance. Sans compter que les discours des scientifiques ont souvent manqué de clarté. Par ailleurs, les Français ont de grandes inquiétudes concernant ces nouveaux vaccins : « ils sont terrorisés par leur développement rapide, la survenue d'effets indésirables à long terme, et la nouvelle technique des vaccins à ARN messager », expose Kalou Lilou.
Rappeler le sens du collectif
C’est dire si les professionnels de santé de ville - médecin généraliste et pharmacien - ont un rôle à jouer dans ce « décryptage » des données scientifiques. Même si ces professionnels, eux-mêmes, n’échappent pas à la tentation de remettre en cause certaines mesures gouvernementales. En témoigne l’exemple de ce titulaire du Sud-Ouest bien ancré dans ses certitudes : « le masque est une muselière, affirme-t-il ajoutant que ce geste barrière lui semble inutile. Pour se protéger du virus, la distanciation suffit. »
Pour Jean-Marie Cohen (médecin, Open Rome), « il faut surtout éviter les communications en silo et mutualiser les messages en s'appuyant sur les connaissances scientifiques et médicales, le tout accompagné des bonnes règles de communication pour éviter les messages mal compris ».
Un autre argument consiste à réveiller le sens du collectif pour contrecarrer ces thèses complotistes qui reposent essentiellement sur l’individualisme. Une simple question suffit souvent à désarmer ces « défiants » séduits par ces discours : « Savez-vous qu’en portant un masque, vous protégerez du virus vos parents âgés ou une personne immuno déprimée de votre entourage ? »
Autre tactique suggérée par Gilles Pialoux, infectiologue, chef de service à l’Hôpital Tenon (Paris) : quitter le champ du Covid pour démontrer l’intérêt du port du masque à travers le recul des pathologies cet hiver (bronchiolites chez l’enfant, gastroentérites, grippes, voire de rougeoles chez les non-vaccinés). « Que ceux qui n’ont pas confiance dans les mesures barrières et les masques regardent ces statistiques ! », lance l’infectiologue. Tout en respectant les convictions et les sensibilités de chacun, il est nécessaire de trouver dès aujourd’hui des éléments de réponse pour endiguer les controverses qui nuiraient aux messages de prévention tels les gestes barrières et le port du masque. Car, souligne Antoine Bristielle, le « cluster » des antimasques est en lien avec celui des antivax, et leur attitude est « un vrai prédicteur du refus de la vaccination contre le Covid ». À quelques semaines de la campagne de vaccination contre le Coronavirus et face aux multiples rebonds de l’épidémie, il y a urgence à stopper une autre viralité, celle de la « désinformation » sur les réseaux sociaux.
D'après des visioconférences Nile.
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