Le mouvement antivaccin ne date pas d’hier : « il est apparu il y a plus de 300 ans ! avance Françoise Salvadori, docteure en immunologie. Tout commence en 1718, lorsque Lady Montaigu, femme d’ambassadeur à Constantinople, découvre la technique ottomane de l'inoculation contre la variole - ancêtre de la vaccination mise au point soixante ans plus tard - et décide de l'appliquer à son fils, raconte-t-elle. De retour au Royaume-Uni, où sévit une épidémie de variole, elle fait également subir une inoculation à sa fille, et joue ainsi un rôle important dans la lutte contre cette maladie et le développement de la vaccine. Mais déjà, à cette époque, les oppositions ont commencé à se manifester. Des contestations religieuses, tout d’abord, la variolisation ne respectant pas la providence divine. » Aujourd’hui, l’argument existe encore en France, au sein de certaines communautés religieuses, comme la Fraternité Saint-Pie-X, pour qui la maladie est une punition divine.
Une bonne nature
Par la suite, sont apparus des arguments naturalistes. « Un Rousseauisme médical a traversé le XIXe siècle, avec la mode des bains froids, régimes crus, de l’homéopathie, et nous sommes aujourd’hui toujours baignés dans cette ambiance », illustre Françoise Salvadori. On retrouve ces idées dans le courant anthroposophique et ses écoles Steiner. Le credo de cette mouvance spirituelle est de laisser faire la nature pour rester fort, alors que la vaccination les rendra faibles. Mais le non-respect de la vaccination dans les écoles Steiner a été à l’origine de plusieurs foyers de rougeole en 2008.
Au-delà des courants sectaires, certains parents hésitants ou opposés à la vaccination se réfèrent volontiers à l’opposition entre naturel et artificiel, et ils mettent plus souvent en avant le « terrain » que les bactéries ou les virus comme origine des maladies infectieuses. Autrement dit : pour rester en bonne santé, c’est une affaire de régime alimentaire, de bonne éducation, d’hygiène. Convaincus que l’immunisation naturelle vaut tellement mieux que la vaccination, ils organisent des réunions entre enfants, dont certains atteints de la rougeole, afin de transmettre la maladie !
Dans le contexte Covid, cela s’est traduit autrement : « la nature est tellement bonne qu’elle n’a pas pu créer ce virus. Alors, on insinue qu’il a été créé en laboratoire. Ou encore, la nature est tellement bonne qu’on peut lutter contre le coronavirus sans masque, sans distanciation, sans vaccin… », analyse Françoise Salvadori.
Une autre science
Par ailleurs, une autre mouvance existe depuis l’époque de Pasteur : celle des alter-scientifiques, qui proposent une vision différente des conclusions habituelles de la science. « Au temps de Pasteur, l’alter-scientifique, c’était Antoine Béchamp, qui avançait que les cellules, quand elles se dérèglent, produisent ou favorisent la prolifération de bactéries et virus pathogènes », cite Françoise Salvadori. Aujourd’hui, les alter-scientifiques avancent d’autres arguments : que le vaccin surcharge le système immunitaire des bébés, que le vaccin contre la grippe donne la grippe, que l’aluminium des formules provoque des maladies auto immunes… Quant au vaccin à ARNm contre le Covid, certains prétendent qu'il s'agit d’une thérapie génique et que l’ARN messager peut prendre le contrôle de nos cellules. « Archi faux », martèle Richard Villet, secrétaire général de la fondation de l’Académie de médecine. « Cet ARN messager n'est qu’éphémère, il ne peut en rien modifier notre patrimoine génétique », explique-t-il. En effet, les ARNm ont une demi-vie très faible et sont facilement dégradés. Cette fragilité est aussi un handicap, puisqu’elle exige que le vaccin de BioNTech-Pfizer soit conservé à - 80 °C.
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