1 jour 12 heures 54 minutes et 42 secondes. Ce compte à rebours sur le site de France MVO, l’organisme chargé de la mise en œuvre de la sérialisation dans l’Hexagone, matérialise le temps qui sépare encore la pharmacie française de la sérialisation, dispositif de lutte contre la contrefaçon de médicament prévu par une directive européenne de juin 2011.
En théorie. Car si les industriels ont d’ores et déjà calé leurs lignes de production sur le 9 février, les officines, elles, sont loin d’être prêtes.
La faute à un système mal adapté, voire périlleux pour l’exercice officinal. Dénonçant l’inadéquation entre le processus d’un décommissionnement (désactivation par lecture du code datamatrix) face au client et les exigences d’une dispensation de qualité, les syndicats d'officinaux avaient rapidement émis des réserves.
Parfois avec fracas, comme la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui a claqué la porte de France MVO où elle siégeait aux côtés de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Deux scénarios pour l'officine
Les deux syndicats n’en ont pas moins proposé au ministère de la Santé deux scénarios alternatifs destinés à adapter la sérialisation aux réalités de l’exercice officinal. L’USPO a ainsi conçu un système de décommissionnement dès la réception du produit à l’officine. Une procédure qui éliminerait d’emblée les médicaments invendables et, par conséquent, les bugs embarrassants devant le client.
La FSPF, pour sa part, a envisagé un système prolongeant la sérialisation au-delà du comptoir. Son modèle comprend la traçabilité du produit dont le numéro de lot serait inscrit au DP, ce que la directive ne prévoit nullement.
Mais ces deux modalités auront du mal à coexister. « S’il y a une nécessité à faire évoluer le modèle initial, nous le ferons, mais de manière coordonnée », prévient Denis Supplisson, vice-président de la Fédération des éditeurs d’informatique médicale et paramédicale ambulatoire (Feima), précisant qu’aujourd’hui aucun contrat de maintenance de LGO ne comprend l’ajout de la fonctionnalité « sérialisation ».
En dépit de leurs multiples relances, à J -2, les acteurs naviguent donc encore à vue. Pour l’heure, la direction générale de la santé (DGS), qui s’était pourtant engagée à ce que ces propositions soient « étudiées afin de déterminer les responsabilités respectives de chacun des acteurs et d’évaluer pour chaque proposition leur faisabilité technique et juridique », n’a toujours pas arbitré. Interrogée par « le Quotidien », elle affirme cependant que « les scénarios proposés ont été étudiés avec attention ».
La mise en œuvre de la sérialisation ne souffrirait-elle pas avant tout d’un manque de pilotage ? Faute de définition précise, aucun cahier des charges n’a pu être à ce jour communiqué aux éditeurs de logiciels qui ne peuvent, par conséquent, démarrer le développement du process d’interrogation, un travail estimé à 250 jours.
Cependant, la DGS entérine de facto ce report en indiquant que « les autorités prendront en compte le fait que les éditeurs de logiciels œuvrent activement pour réaliser les développements informatiques adéquats et qu’un délai d’implémentation dans toutes les pharmacies d’officine sera nécessaire ». Par ailleurs, relève la DGS, « le volume important de médicaments non sérialisés qui subsistera dans le circuit de la chaîne d'approvisionnement (...) permet d’accorder un délai supplémentaire aux pharmaciens d’officine pour la mise en place complète du dispositif ».
Quelques mois de répit
Les pharmaciens peuvent donc respirer. Le moratoire accordé officieusement va permettre au dispositif de s’adapter aux conditions réelles de l’officine. Ce sera en tout cas l’enjeu des prochaines semaines de discussions entre les différents acteurs.
Dans ces conditions, l’USPO estime que la sérialisation pourrait être seulement opérationnelle au quatrième semestre prochain (voir ci-dessous). La DGS annonce toutefois quelques avancées : « Les réflexions communes ont permis d’aboutir à un consensus sur les modalités de connexion au NMVS (banque nationale de données dépendant de France MVO, N.D.L.R.) ».
De fait, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP), qui n’avait pas été retenu dans une première version du projet, revient sur les devants de la scène avec son serveur Docapost (1). C’est donc le canal du concentrateur du DP qui pourrait être choisi pour la transmission des données aux pharmaciens. Un contrat quadripartite, entre le CNOP, Docapost, France MVO et Arvato, la société hébergeant et développant la base de données MVS, devrait être bientôt signé et préfigurer le schéma de connexion des pharmaciens, via un module de leur logiciel métier. À ce jour, l’accès à MVS a déjà été validé par France MVO pour six logiciels métier (2).
Une nouvelle manche s’engage donc pour l’officine dont les acteurs auront à cœur de défendre la solution la plus indolore possible. L’exercice officinal, plus que jamais tourné vers l’accompagnement du patient, ne peut, en effet, souffrir une contrainte supplémentaire.
(1) Filiale numérique du groupe La Poste qui héberge et opère le dossier pharmaceutique (DP).
(2) Auralys (Cigest Informatique), PharmaliZr (Eirwego), Esculape LGO2 (Giphar), ItizMvs (Itiz SAS), 3D (Santé Service) et fmd-engine (Pharmagest Interactive).
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