Après une nouvelle auto-saisine sur la distribution du médicament, l’Autorité de la concurrence doit rendre un avis dans quelques jours. Il ne fait aucun doute que l’instance compte réitérer, voire renforcer, les propositions faites moins de cinq ans plus tôt et restées jusqu’alors lettre morte. Et d’après le projet d’avis que « Le Quotidien » a pu consulter, la notion de libéralisation a gravi une marche de plus.
En effet, l’Autorité de la concurrence, en sus de son souhait de lever certaines restrictions pesant sur la vente en ligne de médicaments (voir notre édition du 11 mars) et d’ouvrir la vente de médicaments sans ordonnance aux grandes surfaces, ajoute un nouvel item : l’ouverture du capital des officines. En cause ? Un « rapport concurrentiel déséquilibré » selon elle entre les différents acteurs de la chaîne du médicament. Les constats sont connus : les grossistes-répartiteurs font face depuis plusieurs années à une situation économique dégradée en contradiction avec leurs obligations de service public. De plus, les capacités de négociations des officines, grossistes, centrales d’achats pharmaceutiques (CAP) et autres structures de regroupement à l’achat (SRA) font pâle figure face à celles des groupes pharmaceutiques. C’est pour faire face à cette situation que l’Autorité de la concurrence propose « une intégration verticale des intermédiaires de la distribution et des officines, c’est-à-dire qu’il soit permis notamment aux grossistes-répartiteurs d’entrer dans le capital des pharmacies d’officine, autorisant dans le même temps l’ouverture du capital de ces dernières », peut-on lire dans le projet d’avis.
La solution de la propharmacie
Consciente que cette ouverture du capital pourrait « bouleverser l’équilibre actuel » en termes de « distribution homogène des médicaments sur l’ensemble du territoire et sur la préservation du maillage territorial des officines », l’Autorité de la concurrence préconise d’analyser les modèles développés dans d’autres pays européens « tel que le Royaume-Uni ». En effet, elle présage que les grossistes-répartiteurs miseront sur « les pharmacies d'officine rentables situées le plus souvent dans les grandes villes, au détriment des officines localisées dans des zones rurales dont la rentabilité pourrait être alors mise en péril ». Ce qui l'amène à s’interroger sur l’opportunité de « la présence de propharmaciens dans certains territoires en lieu et place des pharmacies qui ne seraient plus rentables ».
Si le positionnement de l’Autorité de la concurrence en faveur de l’ouverture du capital n’est pas une surprise, sa présentation comme une solution aux problèmes économiques de la répartition est pour le moins originale. De même, répondre par la propharmacie au problème de maillage que l’ouverture du capital pourrait générer, peut surprendre.
Ouverture du monopole
Le projet d’avis s’attarde aussi sur « l’ouverture encadrée du monopole officinal ». Il s’agirait d’autoriser en GMS et en parapharmacie, dans un espace dédié et sous le contrôle d’un pharmacien diplômé, la vente de médicaments à prescription médicale facultative (PMF), de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV), des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée et de certaines huiles essentielles figurant à l’article D 4211-13 du Code de la santé publique. But recherché ? « Une baisse des prix (…), un meilleur accès des patients et une incitation des pharmaciens à développer leur conseil. » Le matraquage Leclerc semble porter ses fruits… Et pour garantir l’indépendance du Docteur en pharmacie exerçant dans ces structures, l’Autorité de la concurrence propose d’interdire « à l’établissement commercial d’exercer un contrôle sur les activités pharmaceutiques ou d’assigner au pharmacien des objectifs commerciaux » et même de mettre en œuvre un « mécanisme de coresponsabilité du gérant de l’entreprise avec le pharmacien responsable ». À cela, s’ajouterait l’obligation de déclarer ces nouveaux lieux de vente du médicament aux agences régionales de santé (ARS), lieux qui pourraient, comme tout établissement pharmaceutique, faire l’objet d’inspections.
Bien de consommation
Un positionnement totalement inverse à celui adopté par la ministre de la Santé Agnès Buzyn qui, en octobre dernier, lors d’une interview accordée au « Quotidien », rappelait son attachement au monopole pharmaceutique qu’elle estimait « pleinement justifié ». Elle écartait alors toute vente de médicament en grande surface « même sous le contrôle d’un pharmacien » sous peine de faire du médicament « un bien de consommation » courante sans prendre en compte les risques inhérents à tout médicament. Agnès Buzyn allait plus loin : « Au sein d’une officine de pharmacie, les demandes de médicaments à prescription médicale facultative sont le plus souvent adressées à un pharmacien qui connaît déjà le patient et ses éventuelles contre-indications, comme les allergies, ou autres traitements en cours. (...) De surcroît, l’ouverture du monopole officinal aux grandes ou moyennes surfaces fragiliserait l’économie de certaines officines dans des territoires où elles sont indispensables, notamment les territoires présentant une faible densité médicale. »
Une tirade qui laisse déjà penser que les propositions de l’Autorité de la concurrence sur l’ouverture du monopole, l’ouverture du capital et la solution des propharmaciens, pourraient bien finir, une fois de plus, dans un tiroir… N’en déplaise à Michel-Édouard Leclerc pour qui les changements « ne viendront pas d’un ministre de la Santé mais d’un ministre de l’Économie ». En attendant, le 5 mars, le Premier ministre Édouard Philippe, à l’occasion des 10 ans de l’Autorité de la concurrence, a choisi de défendre un autre item de ce futur avis, celui de la levée de certaines restrictions de la vente en ligne de médicaments (lire « le Quotidien du pharmacien » du lundi 11 mars 2019). Aux yeux de la profession, ce choix du Premier ministre pourrait signifier, en creux, que le gouvernement ne soutient pas les autres propositions de l’avis à venir. L'avenir le dira.
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