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Mission urgences pour les pharmaciens

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Publié le 04/06/2018
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Les pharmaciens de la Capitale se lancent dans un programme de labellisation des gestes de premiers secours et d'accompagnement des patients dans les soins non programmés. Une nouvelle mission rendue avant tout nécessaire par la saturation des services d'urgence et l'engorgement de la régulation du « 15 ».
urgence

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Crédit photo : SPL/PHANIE

À Paris, les officines souhaitent devenir la porte d’entrée dans le système de soins de premiers secours.

Une vision confortée par le rapport du député Thomas Mesnier qui identifie le pharmacien comme un acteur de la prise en charge des soins non programmés (« le Quotidien » du 28 mai). La Chambre syndicale des pharmaciens parisiens (CSPP, affiliée à la FSPF) a décidé de prendre les choses en main et de créer un label validant ce nouvel engagement. Sous les quatre lettres PUPS, pour Pharmacien d’urgence premiers secours, les titulaires parisiens, volontaires, pourront afficher sur leur vitrine leur savoir-faire en matière d’urgences vitales et d’orientation dans les soins non programmés.

Ils accéderont avec leur équipe à cette labellisation, renouvelable tous les ans, à l’issue d’une formation. « Il ne s’agit en aucune façon d’un brevet de secourisme », prévient Andrée Ivaldi, présidente de la CSPP, mais bien d’une formation in situ aux gestes d’urgences vitales et à la prise en charge des soins non programmés, grâce à des algorithmes. Le label PUPS a été, du reste, développé en partenariat avec le SAMU 75 dont la directrice du centre de régulation, Suzanne Tartière, a élaboré une méthode de formation accélérée aux premiers gestes d’urgence, dénommée « Formation urgence minimum », alias FO.UR.MI (1).

Une cotation par l'assurance-maladie

La démarche de labellisation bénéficiera, outre la coopération du Comité pour la valorisation de l’acte officinal (CVAO), du soutien de l’association Application citoyennes du CMNFIS, de la fédération nationale France AVC, ainsi que de François Sarkozy, président du cabinet conseil FSNB Health & Care. Ces différents acteurs défendent le rôle du pharmacien dans la prise en charge des patients, à l’instar du Dr Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social de Paris : « Nous sommes aujourd’hui à la fin d’un processus qui a prouvé son efficacité. L’urgence a modifié notre vision de la médecine. Le SAMU a induit une autre culture et de facto, un glissement dans les mentalités. Victime de son succès, le SAMU est devenu tellement puissant qu’on lui confie aujourd’hui tous les soins, y compris ceux qui ne relèvent pas de la traumatologie, sa vocation initiale. »

Le récent décès de Naomi, à Strasbourg, a rappelé douloureusement les conséquences de cette dérive : centres de régulation saturés, urgences engorgées et patients désorientés dans un système de soins dont ils ne comprennent plus ni les codes, ni le fonctionnement. Ceci est particulièrement vrai dans la Capitale, dotée certes de nombreux services hospitaliers, mais où l’accès aux soins non programmés reste complexe.

Dans ce système à bout de souffle, le Dr Emmanuelli et les pharmaciens parisiens sont unanimes : il faut redonner de la proximité et un contact personnalisé à la prise en charge du patient. « Le médecin généraliste, disparu, ou inaccessible au téléphone, ne reviendra plus. Au pharmacien de prendre la relève », affirme Xavier Emmanuelli. Un défi que Yorick Berger, vice-président du CSPP, se dit prêt à relever : « Les pharmaciens doivent capitaliser sur la confiance que leur accorde le public pour être les acteurs de ce changement. Car si nous ne le faisons pas, nous risquons, comme aux États-Unis, que ce soit Amazon ou encore les laboratoires qui s’emparent de ce rôle. » Les représentants syndicaux (FSPF) des pharmaciens de certains départements d’Ile-de-France (Yvelines, Val-d’Oise, Hauts-de-Seine) ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils rejoignaient leurs confrères dans cette démarche de labellisation.

Pour autant, la mise en place d’un tel système ne s’improvise pas. Si elle en a les capacités, la profession doit se former, « faire savoir son savoir-faire » par un label, formaliser la transmission des informations patients aux autres professionnels de santé… Enfin, cette pratique doit être ancrée au sein d’un modèle d’expérimentation pilote pour recueillir les données qualitatives et quantitatives nécessaires à une codification par l’assurance-maladie. Un passage ultime mais obligé pour dupliquer à grande échelle et de manière pérenne ce qui pourrait devenir une nouvelle mission du pharmacien.

(1) Délivrée par l'association « Les transmetteurs ».

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3441