Le groupe E.Leclerc a décidé de mener campagne pour dénoncer l’interdiction qui lui est faite de vendre des autotests (hormis les tests de grossesse) dans ses hypermarchés. Après la révélation d’un sondage et la diffusion d’un spot TV, le géant de la grande distribution s’est attaché les services d’une personnalité très médiatique pour rallier les Français à sa cause.
Déjà médecin, animateur télé et comédien, Michel Cymes a décidé d’endosser une nouvelle casquette, celle de représentant commercial pour le groupe E.Leclerc. Sur les réseaux sociaux de « Dr Good ! », la revue santé/bien-être qu’il a créée en 2017 et dont il est l’égérie, l’ancien présentateur du Magazine de la santé, a publié une vidéo où il s’offusque de l’interdiction de vente des autotests hors du circuit pharmaceutique. « Est-ce que vous saviez que vous ne pouviez pas acheter la plupart des autotests en parapharmacie ? », demande-t-il tout d’abord à ses abonnés. Une question à laquelle une voix off répond par un « Mais naann ! ? », sur un ton mi-surpris, mi-choqué. « Les autotests continuent de se développer et permettent au plus grand nombre d’accéder rapidement et facilement à une première approche diagnostique », développe ensuite Michel Cymes, qui estime que les autotests sont « un outil indispensable de prévention, de suivi et de surveillance ». Le médecin/influenceur va ensuite jusqu’à affirmer qu’il est bien plus « confortable et rassurant d’avoir accès à un premier diagnostic dans le confort de sa maison ». Les professionnels de santé apprécieront. Problème, « à l’heure des déserts médicaux et d’une hausse des coûts de santé », ces autotests sont réservés aux seules pharmacies. Au détriment des patients, sous-entend Michel Cymes, qui juge cet état de fait « incompréhensible » et se positionne clairement pour leur vente dans d’autres lieux, à commencer par la GMS, comme c’est le cas ailleurs en Europe.
La charge du médiatique médecin contre le monopole pharmaceutique ne tombe pas du ciel. Sa vidéo, « likée » plus de 700 fois sur Instagram et vue plus de 10 000 fois sur Facebook est en effet sponsorisée par E.Leclerc, ce qui est clairement précisé en haut à droite. Le partenariat commercial entre le leader de la GMS et le magazine « Dr Good ! » fait suite à la publication d’un sondage, un brin biaisé, selon lequel « 81 % des Français sont favorables à la vente d’autotests dans des espaces pharmacie au sein des grandes surfaces ». Depuis le 8 juin, une publicité dénonçant l’interdiction de vente des autotests chez Leclerc est aussi visible à la télévision.
Cette offensive de Leclerc, loin d’être la première, a fait réagir de nombreux pharmaciens mais n’inquiète absolument pas les représentants de la profession. Du côté des présidents de syndicats de groupements, hors de question de réagir. « Ce n’est pas la peine de donner de la résonance à ce projet qu’il vaut mieux ignorer, estime Alain Grollaud, président de Federgy. Le décret sur la prise en charge des TROD angine et cystite en pharmacie vient d’être publié, donc l’attaque de Leclerc ne m’inquiète absolument pas », ajoute-t-il. Même positionnement pour Laurent Filoche, le président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) : « Nous n’allons pas attaquer cette campagne menée par Leclerc, qui tente simplement de renforcer son image de champion du pouvoir d’achat auprès des Français. Je ne pense pas qu’elle aura le moindre impact. Nous sommes protégés par le monopole et au vu du contexte politique actuel, on voit difficilement comment un décret ou une loi pourraient être bientôt adoptés pour remettre en cause la situation actuelle », analyse-t-il, avant de battre en brèche certains des arguments avancés par Leclerc. « La question de l’accès ne tient pas, il y a 20 000 pharmacies en France, eux n’ont que 3 000 points de vente. Nous pouvons aussi prouver que les tests de grossesse sont parfois plus chers dans leurs hypermarchés que dans de nombreuses pharmacies », veut rappeler Laurent Filoche. Pour l’instant, aucun patient ne l’a interrogé sur le sujet dans l’officine où il exerce près de Toulouse. « Acheter des autotests en GMS, cela ne fait pas partie des attentes des Français. Leclerc cherche la confrontation avec les pharmaciens mais nous n’allons pas réagir ni les aider à alimenter le buzz », conclut-il.
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