Après une longue attente, la composition du nouveau gouvernement a enfin été annoncée ce week-end. Avec la nomination au ministère de la Santé et de l’Accès aux soins de Geneviève Darrieussecq, les syndicats de pharmaciens espèrent relancer au plus vite de nombreux dossiers cruciaux pour l’avenir de la profession. La possibilité bien réelle d’une motion de censure déposée par les partis d’opposition à l’Assemblée nationale pourrait cependant tout remettre en cause.
Alors que la Santé retrouve un ministère de plein exercice, Geneviève Darrieussecq a donné les grandes lignes de la politique qu’elle souhaite mener lors de la passation de pouvoir ce lundi matin. Médecin allergologue de formation, elle a dit vouloir faire de la prévention et de l’accès aux soins « les axes majeurs » de son action. Elle a aussi plaidé pour un décloisonnement du système de santé et prévenu qu’elle ne ferait « pas de miracles » en termes budgétaires. Les enveloppes « augmenteront un peu », mais « jamais à la hauteur de ce que tout le monde espérerait », a-t-elle déclaré.
Il est désormais temps de se remettre au travail et les dossiers à traiter ne manquent pas. Sur le réseau social X, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a premièrement tenu à remercier Catherine Vautrin et Frédéric Valletoux, qui ne seront restés au sein du super-ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités que pendant huit petits mois. Une priorité se dégage désormais pour le syndicat présidé par Philippe Besset : l’application de la convention pharmaceutique et le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Plus globalement la FSPF fixe deux objectifs à la nouvelle ministre de la Santé : « soutenir la profession et améliorer l'accès aux soins ».
De son côté, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) érige une liste de cinq priorités à l’attention de la nouvelle ministre. Tout d’abord, « améliorer l’avenant économique signé en juin ». Le syndicat dirigé par Pierre-Olivier Variot espère particulièrement que les discussions à venir autour du PLFSS permettront « d’inclure des dispositions plus favorables à la profession, comme une substitution plus large des médicaments biosimilaires et hybrides ». Autre message : l’importance de « tenir compte des révisions tarifaires à la baisse des dispositifs médicaux » alors que des mesures d’économies sont envisagées sur la location hebdomadaire des fauteuils roulants mécaniques et que des mises sous tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR) sont à l’étude pour certains médicaments génériques. L’USPO appelle enfin à « s’attaquer de manière plus vigoureuse à la pénurie des médicaments », à « maintenir une régulation stricte de la vente en ligne de médicaments » et à « conforter le maillage officinal en apportant un soutien financier concret et non conditionnel à toutes les pharmacies ». Sur ce dernier point, l’USPO ne se prive pas de rappeler qu’une « aide ponctuelle ne saurait suffire à résoudre des problèmes structurels profonds », soit une critique à peine voilée de l’aide de 20 000 euros promise à certaines pharmacies exerçant au sein de territoires fragiles. Le décret permettant d’établir la définition de ces territoires a d’ailleurs été attaqué devant le Conseil d’État par l’USPO… De manière plus large, le syndicat rappelle l’impérieuse nécessité « de prendre des mesures urgentes pour enrayer la spirale négative » dans lequel se trouve la pharmacie avec notamment 2 000 fermetures d’officines en l’espace de dix ans.
Les Libéraux de santé (LDS), intersyndicale présidée par Philippe Besset qui réunit les dix principaux syndicats représentatifs de professionnels de santé libéraux, rappellent, eux, que la ministre « pourra compter sur les soins libéraux de proximité pour soulager l’hôpital », lui aussi dans une crise profonde. Pour soutenir les libéraux, notamment sur le plan économique, les LDS attendent en particulier « des arbitrages au sein du prochain ONDAM qui permettent un investissement massif sur les soins de ville libéraux ». Condition sine qua non pour que le secteur de ville apporte des solutions au fléau des déserts médicaux. Relance du chantier de la révision du système conventionnel, respect de l’application de tous les accords conventionnels signés entre les syndicats représentatifs et l’assurance-maladie, mise en application rapide de l’accord signé sur les Équipes de soins coordonnées avec le patient (ESCAP) et maintien d’un système de santé solidaire sont les autres grands caps fixés par l’intersyndicale.
Marc Ferracci entre au gouvernement
Au sein du gouvernement, on retrouve, à la tête du ministère de l’Industrie, un autre nom bien connu des pharmaciens, celui de Marc Ferracci, le désormais ex-député des Français de l’étranger, dont le nom a souvent été associé à un prétendu rapport sur la libéralisation de la vente en ligne de médicaments. « Ce rapport n’a jamais existé, assure fermement Philippe Besset. Son arrivée ne m’inspire donc rien de négatif a priori. Il aura un boulot colossal à l’Industrie. J’attends surtout de lui qu’il travaille à la garantie de notre souveraineté, dans le contexte actuel de fusions-acquisitions que nous connaissons. Il devra notamment répondre à cette double injonction qui est faite à l’industrie pharmaceutique, comment favoriser la réindustrialisation de la France en matière de médicaments alors que nous continuons de vouloir appliquer une politique de baisses de prix ? », pose Philippe Besset. Du côté de Pierre-Olivier Variot, la nomination de Marc Ferracci doit néanmoins inciter à la prudence. « Nous allons être très vigilants, il n’a jamais voulu nous recevoir, nous n’avons donc jamais su quelles étaient ses réelles intentions », soutient-il.
Un gouvernement déjà en sursis ?
Reste enfin une dernière question : quid de la durabilité de ce nouveau gouvernement alors que le camp présidentiel ne dispose pas de la majorité à l’Assemblée ? Extrême-droite et partis de gauche peuvent-ils s’unir en déposant une motion de censure pour faire tomber ce gouvernement ? « C’est une possibilité, estime Pierre-Olivier Variot. Cela dit, une certaine stabilité serait la bienvenue, on a besoin d’une perspective et d’un gouvernement qui puisse mettre en place une politique sur la durée. » Alors que huit ministres se sont succédé à la Santé depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, en verra-t-on bientôt un neuvième ? « A l’Assemblée, nous avons une majorité de députés contre le gouvernement », souligne Philippe Besset, particulièrement pessimiste sur les chances de survie du gouvernement Barnier. Au vu des dernières prises de parole des membres des partis d’opposition, cette hypothèse est en effet loin d’être fantaisiste…
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