Lors d’un colloque organisé à l'Académie de médecine à Paris, les doyens des facultés de médecine ont alerté sur la possibilité d’une « situation de pléthore médicale », où le nombre de médecins dépasserait les besoins de la population. Plutôt que continuer à augmenter le nombre de médecins formés, les doyens appellent à une meilleure régulation de leur installation ainsi qu’à accentuer la délégation des tâches aux autres professionnels de santé pour libérer du temps médical.
Alors que la France souffre d’un manque de médecins, lors d'un colloque à l'Académie de médecine le jeudi 17 octobre, Patrice Diot, doyen honoraire de la faculté de médecine de Tours, a mis en garde contre un nouveau risque. Selon lui, la hausse du nombre de médecins formés, qui atteint désormais 10 500 par an, pourrait conduire à une « pléthore médicale » dans les années à venir.
Les difficultés actuelles d'accès aux soins sont en partie liées au numerus clausus. Lancé en 1971, ce dernier limite le nombre d’admis en médecine afin d’éviter une surabondance de médecins par rapport à la population. Cependant, il a entraîné une pénurie de praticiens, formés en nombre insuffisant alors que la population augmentait, vieillissait, et que les départs à la retraite des médecins en activité se multipliaient. À l’origine de 8 500 étudiants lors de son lancement, le numerus clausus a baissé jusqu’à 3 500 étudiants en 1993, avant de remonter progressivement pour finalement être supprimé en 2019.
Aujourd’hui, l’objectif du nombre d'étudiants en médecine est de 16 000 étudiants par an d’ici 2027. Un nombre que les doyens jugeaient « irréaliste », mais aussi comme pouvant potentiellement provoquer une situation inverse, avec un excès de médecins. En effet, ces nouveaux étudiants commenceraient à exercer vers 2035 au plus tôt, au moment même où les départs en retraite diminueraient drastiquement.
Les doyens proposent donc d’autres solutions, dont la régulation de l'installation des médecins en favorisant celles au sein des déserts médicaux. « Il y a bien un moment où il va falloir un peu contraindre, comme les pharmaciens l'ont fait », affirme Thierry Moulin, doyen de l'université de Besançon. Il propose également de remettre en cause le classement national du concours de l'internat, afin que les internes puissent rester dans leur région d’origine s’ils le souhaitent. Le président de la conférence des doyens Benoît Veber et Patrice Diot défendent quant à eux le principe d'un « service médical national ». Ce dernier prendrait la forme d’un contrat d’un an à proposer aux jeunes médecins pour qu'ils aillent s'installer dans ces déserts médicaux.
Le sujet des délégations de tâches a également été abordé. Pour les doyens, le partage de compétence avec les autres soignants pourrait libérer du temps pour les médecins. « Il faut qu'on casse […] ce patriarcat du monde médical sur des exécutants », revendique Thierry Moulin : « Le temps médical, il faut le réserver pour les choses complexes. Ce qui est moins complexe, on délègue et on contrôle. » Une proposition que partage Benoît Veber : « Ce que demandent les Français, c'est d'avoir accès aux soins, pas forcément à un médecin. Par contre ils veulent avoir accès à un médecin quand c'est justifié », résume-t-il.
Avec l’AFP.
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