Les autorités sanitaires soutiennent ces évolutions, qui impliquent aussi une collaboration étroite avec tous les acteurs sanitaires et sociaux au niveau local. Lors de l’assemblée générale de leur association professionnelle, « PharmaSuisse », les pharmaciens ont ainsi débattu de leurs missions respectives avec les représentants des communes, des associations de soins à domicile et des maisons pour personnes âgées. La Suisse est confrontée en effet à une baisse rapide du nombre de ses médecins de famille, encore plus marquée dans les régions rurales et isolées que dans les villes. « Plutôt que d’inventer des solutions complexes et onéreuses pour les remplacer, nous devons mieux faire comprendre à la population que nous sommes là et que nous pouvons assurer une large part des soins de base », explique Fabian Vaucher, pharmacien dans le canton d’Argovie et président de PharmaSuisse.
Très différent du système français (voir encadré), le système suisse repose principalement sur une organisation propre à chacun des 26 cantons, avec des assurances privées, qui « achètent » des prestations aux professionnels pour leurs assurés. De nombreuses structures associant les professionnels de la santé et du social, mais aussi les communes ou les cantons, se créent pour offrir des services personnalisés aux patients, notamment pour prévenir les hospitalisations et les entrées en maison de long séjour. Plusieurs réseaux de ce type ont été présentés lors du congrès, et les pharmaciens y ont bien entendu leur place. « Nous sommes souvent la porte d’entrée vers le système de soins, et nous souhaiterions l’être encore plus », insiste M. Vaucher, en rappelant que, sur 1 000 personnes confrontées à un problème aigu de santé, 750 se présentent en premier lieu à la pharmacie, et 250 consultent directement un médecin. Or, selon PharmaSuisse, cette proportion pourrait encore être « améliorée » au profit des pharmaciens. À l’officine, ces derniers peuvent donner un conseil et délivrer un médicament, mais aussi, si cela leur semble nécessaire, leur proposer une véritable consultation. Quelque 300 pharmacies proposent déjà ce service, moyennant un honoraire de 15 francs suisses, soit environ 14 euros. Le pharmacien va « consulter » dans une pièce séparée de l’officine, pour un entretien et un traitement plus personnalisés. Dans 20 % des cas, il proposera au patient une consultation vidéo avec un médecin travaillant dans un centre d’appel, lequel pourra lui prescrire un médicament délivré sur place.
La confiance des usagers
Actuellement, les pharmaciens négocient avec leur Agence du médicament pour pouvoir délivrer, sans ordonnance médicale, des médicaments pourtant réservés à la prescription. « Il s’agira par exemple d’antalgiques plus forts que les OTC, que nous pourrons délivrer à un patient souffrant d’une rage de dents, même s’il n’a pas d’ordonnance », explique le président de PharmaSuisse. Reste que les médecins n’apprécient pas beaucoup ces initiatives, qui viennent encore compliquer les relations entre les deux professions, déjà mises à mal par l’épineuse question de la propharmacie. Résultat, ce dossier prend beaucoup de temps que prévu pour aboutir.
La population, pour sa part, plébiscite les pharmaciens et leur fait confiance. Elle en apprécie la compétence et les conseils, mais trouve toutefois que les officines sont trop chères, surtout pour les produits les plus simples. Les pharmaciens sont en effets rémunérés pour la plupart de leurs services par un double honoraire fixe, couvrant la vérification de l’ordonnance et la délivrance, mais qui « pèse » proportionnellement beaucoup plus sur les médicaments bon marché que sur les autres. Une situation qui pourrait évoluer si certains conseils et actes, dont le financement est intégré aujourd’hui dans les honoraires, faisaient l’objet d’une tarification à part, ce qui permettrait de moins peser sur ces derniers. En outre, PharmaSuisse serait favorable à ce que l’honoraire sur les produits les moins chers soit diminué, pour rendre ces produits plus concurrentiels, tandis que les honoraires sur les produits onéreux, ou correspondant à des délivrances plus complexes, soient augmentés. En effet, avec le système actuel, les médicaments les plus chers sont très mal rémunérés, voire coûtent de l’argent au pharmacien, explique l’association.
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