Dans les Hauts-de-France, un pharmacien sur dix s’est engagé dans les bilans partagés de médication. Un taux certes légèrement inférieur à la moyenne nationale, mais que Grégory Tempremant, président de l’URPS pharmaciens de la région, explique aisément par la « jeunesse de la région », un habitant sur cinq ayant entre 15 et 29 ans.
Cette réalité n’entame pas pour autant l’intérêt des pharmaciens. En témoigne la participation d’une soixantaine d’entre eux à la première revue de cas présentée par l’URPS pharmaciens à la faculté de pharmacie de Lille, le 29 avril dernier. La moitié d’entre eux, qui n’avait jamais pratiqué de bilan partagé de médication (BPM), a pu s'inspirer de la pratique de leurs confrères expérimentés. La présentation des cas aura eu raison des dernières réticences. Il ne fait aucun doute que les pharmaciens trouvent toute leur place en tant que cliniciens dans le BPM. Le Pr François Puisieux, chef du pôle gériatrie du CHRU de Lille, et Jean-Baptiste Beuscart, praticien hospitalier universitaire du service de médecine aiguë gériatrique, les ont encouragés à mettre leur expertise du médicament, des interactions et des effets secondaires, au service de la lutte contre l’iatrogénie et en faveur de l’observance.
Colloque singulier
Toutefois, comme le prouvent les cas exposés par quatre officinaux, le bilan partagé de médication est bien davantage qu’un score d’évaluation de l’observance. Il s’apparente à un « colloque singulier » entre le pharmacien et son patient, dont la finalité est l’intervention pharmaceutique en vue d’améliorer les pronostics de la personne âgée, mais aussi son confort de vie. Comme le remarque Bertrand Decaudin, doyen de la faculté de pharmacie de Lille, « le score de l’évaluation est intéressant car il permet de quantifier sur une échelle. Il mérite cependant d’être analysé ». « La plainte d'un patient sur le nombre de médicaments prescrits est-elle nécessairement un indice de non-observance ? », s'interroge une pharmacienne. Seul un entretien approfondi, de 40 à 50 minutes, permet de le préciser. « Notre rôle de pharmacien est d’aller chercher dans le quotidien du patient. Ses rythmes alimentaires, mais aussi ses habitudes », affirme Marion Decourt, une consœur faisant référence à la consommation de pamplemousse d'un patient.
L’interrogatoire permet aussi de réviser un jugement arbitraire. « J’ai perçu au fil de la discussion que mon patient est très attaché à son IPP. Comme il présente des signes dépressifs en raison de la dégradation de l’état de santé de sa femme, j’ai décidé de ne pas revenir sur la validité de l’IPP indiqué en raison d’une RGO datant de quelques années », expose Thomas Declercq dans le cas d'un patient de 77 ans. Ce pharmacien qui réalise 4 à 5 BPM par mois, insiste sur la nécessité de prendre en considération les volontés des patients. « Si nous nous limitons à la pharmacie clinique théorique, nous sommes à côté de la plaque », affirme-t-il.
Prioriser les interventions pharmaceutiques
Cette approche ne fait pas l’économie d’une analyse approfondie des prescriptions, des dosages et des posologies. La soirée de l’URPS témoigne d’une très grande rigueur scientifique, tant du côté des médecins gériatres, des généralistes, que des pharmaciens d’officine. Tous conviennent cependant que la pertinence des interventions pharmaceutiques prévaut sur leur exhaustivité. Thomas Declercq s’est ainsi fixé deux règles : « je demande toujours l’avis du patient et je ne vais pas au-delà de trois interventions pharmaceutiques, eu égard au médecin prescripteur. Et ce même si je vois davantage de choses… »
La relation avec le médecin traitant est sans aucun doute l’un des points les plus discutés. La formulation des interventions pharmaceutiques, rédigée « en partant toujours du cadre de vie du patient », comme le conseille un autre confrère, Édouard Cardey, fait l’objet d’attention toute particulière de la part des pharmaciens. « Nous sommes en terrain miné », ironise Thomas Declercq. Il veille à la forme en utilisant les mots « essai », « envisageable », « laissé à l’appréciation du médecin… » Faut-il pour autant tout écrire au médecin ? « Une patiente m’a demandé de ne pas mentionner son automédication. Ce que j’ai respecté pour ne pas mettre en danger la relation de confiance », note Sophie Houppermans, officinale. Les avis divergent sur la conduite à tenir avec les médecins en prévision d’un BPM. Faut-il les en informer ? Faut-il même leur rappeler ce qu’est un BPM ? Une pharmacienne ne cache pas sa surprise : « Je partais du principe que le médecin généraliste savait ce que c’était ! »
Une seconde session aura lieu à Amiens.
Dans les Alpes-Maritimes
Dépistage du VIH : une expérimentation à l’officine
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques