De mémoire de pharmacien et d’expert-comptable, jamais une année aura apporté autant d’aléas dans la gestion de l’officine. 2020 restera dans les annales pour avoir mis à dure épreuve l’équilibre financier des pharmacies et instillé l'incertitude dans le moral des titulaires.
Alors que l’année s’annonçait plutôt bien en janvier et février, avec une confirmation de la remontée économique amorcée en 2019, le confinement est venu mettre brutalement un terme à cette belle lancée. Certes, on retiendra les folles heures qui l’ont précédé, alors que les Français inquiets se pressaient aux portes des officines, réclamant masques, gels hydroalcooliques et boîtes de Doliprane. Les patients chroniques, incités à anticiper leur renouvellement de traitement, se joignaient à ces files d’attente interminables. Mais les quelques jours d’effervescence, et tout particulièrement le fameux 17 mars, marqués par une hausse de plus de 20 % du chiffre d’affaires (1), n’auront au final servi qu’à compenser la chute brutale de l’activité en avril (-7,23 %). Le printemps morose s’est reflété dans le bilan officinal du mois de mai avec une nouvelle chute du chiffre d’affaires à -3,65 %. Plombée par la fermeture des cabinets médicaux et par le confinement de la population, l’activité officinale a marché au ralenti.
Cependant, continuité des soins oblige, les frais fixes - loyer et salaires - se maintenant à leur niveau habituel, ils ont grévé la rentabilité officinale. Les écarts se sont cependant creusés au sein du réseau officinal, le confinement favorisant la proximité et par conséquent les officines de quartiers. D’autres typologies de pharmacies, notamment celles implantées en centre commerciaux, en zones touristiques ou dans les gares et les aéroports ont, en revanche, subi l’onde de choc. À titre d’exemple, les officines de centres commerciaux ont perdu 34,18 % de leur chiffre d’affaires entre le 1er et le 10 mai, (8,13 % sur la période du 1er mars au 31 mai).
Un court répit estival
Nombreux ont été les titulaires à solliciter les diverses aides mises en place par les pouvoirs publics. Selon le cabinet Fiducial, 14 % de ses officines clientes ont eu recours au chômage partiel, 9 % au prêt garanti par l’État, 18 % ont demandé un report d’échéances de l’emprunt, et 25 % celui de leurs cotisations TNS. Quant aux indemnisations accordées par l’assurance-maladie au titre de la baisse d’activité, 45 % des officines suivies par les experts-comptables du réseau CGP ont demandé à en bénéficier. De multiples solutions qui ont pu maintenir à flot l’économie officinale et permettre de maintenir l’emploi. Mais aussi de préserver une trésorerie mise à contribution par les commandes de gels, de masques puis de tests sérologiques qu’il a fallu sourcer rapidement au meilleur rapport qualité/prix. Au gré de ces nouvelles missions, et grâce au déconfinement du 11 mai, l’exercice officinal a repris sa vitesse de croisière, bénéficiant même en juin et juillet d’un « rattrapage ». Le temps pour l’officine de se refaire une santé, arrivée des tests antigéniques et de la vaccination antigrippale contre la grippe aidant.
Des effets stabilisateurs
Malheureusement, un deuxième confinement a mis fin à cet état de grâce le 28 octobre, replongeant l’activité officinale dans une certaine léthargie, quoique moins profonde qu’au printemps. Il n’empêche, certains dommages collatéraux inattendus de ce nouveau confinement et de l’adoption des gestes barrières — dont le port obligatoire du masque — n'ont pas manqué d'apparaître : les pathologies saisonnières (rhume, bronchites et gastros) ont été les grandes absentes des deux derniers mois de l’année. À tel point que les pharmaciens risquent aujourd’hui les surstocks en produits d’automédication !
Néanmoins, un élément majeur est venu temporiser ces diverses fluctuations : les honoraires de dispensation et les nouvelles missions introduites notamment par l’avenant 11 et les nouveaux avenants à la Convention pharmaceutique. Les observateurs, experts-comptables y compris, reconnaissent l’effet amortisseur de ces nouvelles formes de rémunération face à la baisse de la marge et des volumes. Commentant les données communiquées en novembre par l’assurance-maladie dans le cadre de l’Observatoire de la rémunération, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine, indique que si les volumes de ventes se sont infléchis au cours du premier semestre – en témoigne le recul de 5,2 % des honoraires au conditionnement - la baisse de la marge a pu être contenue à 1,5 %. « Sans la réforme, elle aurait chuté de 5 % ou 6 % ! », affirme-t-il. Toujours selon l’Observatoire de la rémunération, entre janvier et fin juin 2020, les ressources officinales (marge, honoraires et autres rémunérations) ont progressé de 0,3 %, pour s’élever à 3,340 milliards d’euros.
Les chiffres d’octobre s’inscrivent dans cette ligne avec une nouvelle chute des ventes en unité (-2,64 %) (2) que la hausse de 3,1 % des honoraires permettait d’amortir pour un atterrissage de la rémunération sur le médicament remboursable à +0,92 %. Ajoutées à cela, les missions (bilans partagés de médication, entretiens pharmaceutiques, dispensation adaptée, tests antigéniques, vaccination, TROD angine) portent la rémunération globale du réseau officinal à 508,57 millions d’euros, soit une hausse de 2,02 %. Autant de constats qui permettent d’affirmer que les dégâts de cette annus horribilis étant à peu près contenus, 2 020 s’est achevé à l’équilibre.
(1) Sources CGP.
(2) Sources USPO IQVIA.
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