Le Quotidien du pharmacien.- Comprenez-vous la colère des pharmaciens et leurs inquiétudes pour l’avenir du maillage officinal ?
Thomas Morgenroth.- Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les experts-comptables avec lesquels nous travaillons sont unanimes à constater une dégradation des données économiques de la pharmacie. Les grossistes-répartiteurs font, eux-aussi, état de trésorerie en difficulté chez leurs clients. Il est évident que nous faisons face à un problème structurel et non pas à des situations individuelles. Les grands indicateurs signalent une dégradation sensible de la rentabilité officinale. La cause est connue : dans un contexte de politique globale macroéconomique où la maîtrise des dépenses liées au médicament s’intensifie et les coûts de structures ne cessent d’augmenter, se produit l’inévitable effet ciseau.
Les premières tendances qui émanent des négociations conventionnelles avec l’assurance-maladie ne démontrent cependant pas une prise de conscience des pouvoirs publics des difficultés économiques du réseau officinal.
La stratégie des pouvoirs publics se limite aujourd’hui à inciter les pharmaciens à s’engager toujours plus dans les nouvelles missions qu’ils présentent comme source de gain supplémentaire pour l’entreprise officinale. D’une part, toutes les missions ne sont pas sur un pied d’égalité, certaines mobilisent plus de ressources humaines que d’autres, ou encore toutes ne bénéficient pas de la même communication. Par ailleurs, ne faire reposer les évolutions de la rémunération officinale que sur les nouvelles missions est un leurre. Ce serait ignorer qu’une grande part de la marge officinale est gonflée artificiellement par les remises génériques. Or elle pourrait venir à s’effondrer en raison de l’impact des ruptures de médicaments, qui hypothèquent une part des remises génériques. Nous sommes face aux résultats d’une politique qui, pendant quinze à vingt ans, a fait reposer une partie de l’économie officinale sur le pouvoir de négociation du titulaire.
Quelles sont les conséquences à craindre pour le maillage officinal ?
Nous sommes à une période charnière qui suppose un ajustement : le calcul de la rémunération va de moins en moins se faire sur la marge mais sur les forfaits ou honoraires. Cela implique que l’on bouge les curseurs. Ce nouveau modèle économique suppose un repositionnement. Mais les nouvelles missions vont-elles générer assez de profit pour absorber la hausse des charges et la baisse de la rémunération du médicament ? De facto, on va inciter au regroupement d’officines sur des zones plus denses pour faire émerger des structures de taille plus importante qui seront capables d’amortir la baisse des ventes de médicaments. À l’heure actuelle, on teste la robustesse du maillage officinal pendant un an quitte à ce qu’il y ait encore des pertes. Est-ce un objectif avoué ou non ? En tout cas, les effets sont d’ores et déjà visibles et les pouvoirs publics ne prennent aucune mesure pour les contrer.
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