Il aura suffi d’une audience pour que la lourde accusation qui pesait sur lui, se dégonfle. Un couple de titulaires du Quesnoy (Nord) a finalement pu prouver que les lourdes charges retenues contre lui – une escroquerie à l’assurance maladie de 583 184 euros – n’étaient finalement qu’un simple tour de passe-passe dû à une erreur de manipulation de son logiciel de gestion d’officine.
Il aura fallu cependant plus d’un an et toute la pugnacité de leur défenseur, Me Jean-François Segard, pour convaincre le tribunal correctionnel d’Avesnes de leur bonne foi. À l’origine, un procédé malheureusement classique. Dans une lettre anonyme, un ancien collaborateur évoque les comportements anormaux de son ancien employeur. Les accusations sont assez graves pour être prises au sérieux par la caisse d’assurance-maladie du Hainaut et par l’ARS, qui déclenchent deux enquêtes. Elles découvrent un différentiel entre le montant des achats effectués et les ventes déclarées. Le procureur est saisi et, au regard de l’importance de la somme « détournée », engage une procédure.
« Les pharmaciens n’ont été auditionnés qu’à deux reprises, dont une lors de leur garde à vue. De plus, les deux rapports ont été établis de façon non contradictoire et ne leur ont jamais été communiqués pour explication. Résultat, les pharmaciens ont été renvoyés en correctionnelle sur les seules investigations des organismes et sans avoir la possibilité de vérifier les modes de calcul et d’évaluation », dénonce Me Segard. Les pharmaciens, effondrés, font valoir leur bonne foi et citent, preuve à l'appui, un récent contrôle fiscal resté sans suite. Ils produisent également une expertise comptable qui conclut à un taux de marge « dans les normes ». Rien n’y fait. Le représentant du ministère public ne veut rien entendre.
Usage abusif
C’est alors qu’une enquête plus approfondie met en lumière une grossière erreur dans l’utilisation de leur logiciel de gestion de la société Smart RX. Normalement toute commande livrée fait l’objet d’une fiche achat qui permet de comptabiliser parallèlement la commande sous la rubrique « achats » ainsi que sous la rubrique « stocks ». La manipulation est certes complète mais fastidieuse. Le logiciel trace tout d’abord la commande, puis la livraison (fonction achat) puis l’entrée en stock (fonction stock).
Or, dans l’effervescence du quotidien, les titulaires et leurs douze salariés ont recours à la combinaison TAB K (régularisation) qui permet une entrée rapide en stock du produit reçu. Un raccourci malencontreux cependant. Car il modifie la rubrique « stocks » sans passer par la case « achats ». Par conséquent, l’équation stock initial + achats = ventes + stock final se révèle fausse puisqu’une partie des stocks n’a pas été comptabilisée dans la partie achats. Une volatilisation qui n’a pas échappé aux contrôleurs de la CRAM.
« Dans cette officine de 400 clients/jour, approvisionnée plusieurs fois par jour, les titulaires et leur équipe visaient au plus pratique. Et croyaient en toute bonne foi qu’actionner la touche régularisation suffisait », défend Me Jean-François Segard. L’avocat précise que son client n’a été finalement condamné que pour des infractions dites « accessoires » : facturation de matériel médical au-delà de la prescription, vente de suppositoires codéinés à des patients migraineux issus d’une même famille en remplacement de la Végadéine, réajustement d’ordonnance pour une patiente transplantée cœur poumon…
La société Smart RX, pour sa part, rappelle à l’intention des pharmaciens que la fonctionnalité TAB K n’est à actionner qu’en cas de « nécessité absolue » et « de manière exceptionnelle ». « Cette option est d’ailleurs positionnée sur le « non » et elle doit être activée par le pharmacien qui permet alors de faire la modification. Il est fortement déconseillé d'en faire un usage courant », note la société. Elle affirme par ailleurs que l’attention des pharmaciens est régulièrement attirée, dans les formations et lors de la consultation de la hot-line, sur la déstabilisation du stock pouvant résulter d’un usage abusif de cette fonctionnalité.
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