EN 2001, la société autrichienne Hartlauer, qui gère dans ce pays 155 magasins de photo et d’électronique, mais aussi d’optique médicale, d’audiométrie et de produits de bien-être et de santé, décide de créer à Vienne et dans le Land de Basse-Autriche des polycliniques dentaires à son enseigne. Les gouvernements régionaux de Vienne et de Basse-Autriche s’opposent alors à ces créations, en arguant qu’il y a déjà suffisamment de dentistes libéraux et de polycliniques publiques sur leur sol. Hartlauer porte l’affaire devant les tribunaux régionaux, puis nationaux, au motif que ces interdictions violent, selon elle, la liberté d’installation et de services prévus par les traités européens. Mais le tribunal administratif autrichien, au nom de la République d’Autriche, estime que les soins dentaires étant remboursés par les caisses de maladie, la planification des services, et l’autorisation préalable pour créer des cabinets priment sur les traités de libre circulation européens. En effet, selon lui, le financement public de la santé est de nature à influencer, positivement ou négativement la santé des patients. L’Autriche a donc le droit, selon ce tribunal, de refuser de financer des cabinets et cliniques supplémentaires, dans la mesure où elle considère que l’argent ainsi dépensé serait plus utile pour d’autres prestations. Toutefois, le tribunal administratif souhaite que la Cour de Justice, dans le cadre d’une « question préjudicielle », valide ou invalide sa position au regard du droit communautaire.
Un nouvel indice.
L’été dernier, l’avocat général de la Cour de Justice européenne donne raison, dans un avis, au tribunal administratif autrichien. L’arrêt qui sera prononcé le 10 mars devrait, sauf surprise, confirmer ce premier avis. Pour les pharmaciens, déjà confortés par un avis de la Cour rendu en décembre dernier, qui souligne que la répartition nationale des pharmacies, en tant qu’élément du système de santé, prime sur les directives européennes, l’arrêt Hartlauer devrait constituer un nouvel indice de la vision de la Cour sur ces questions. Si l’Autriche « gagne », ce qui est très vraisemblable, cela confirmera l’idée que l’organisation sanitaire nationale prévaut au droit européen. Il s’agira aussi d’un nouveau revers pour le commissaire européen au marché intérieur Charly Mc Creevy : s’il n’a certes rien à voir avec l’affaire Hartlauer, il est en revanche à l’origine de toutes les procédures contre les pharmaciens, car il considère, à l’inverse, que le droit européen et la libre circulation doivent primer sur les réglementations nationales en matière de santé.
Quant aux arrêts concernant les pharmacies italiennes (qui ont fait l’objet de l’avis de décembre dernier), mais aussi espagnoles, autrichiennes, françaises, allemandes, portugaises et bulgares, ils ne sont, pour le moment, toujours pas à l’ordre du jour des prochains travaux de la Cour.
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