PRÉSUMÉ COUPABLE et déjà absous ? Rien n’est moins sûr. L’alcool joue, chez les gens, le rôle de révélateur. Ce qu’ils ne disent pas quand ils sont sobres, ils l’admettent une fois qu’ils ont bu. C’est ainsi que l’acteur-réalisateur Mel Gibson, auteur d’un film sur le Christ où il exposé la vieille idée d’un Jésus assassiné par les juifs et qui lui a valu beaucoup d’honneurs et d’argent, ne nous a fourni les raisons profondes de son engagement que lorsque, arrêté pour conduite en état d’ivresse, il a traité de « sale juif » l’agent de police qui, probablement, n’était ni sale ni juif. De la même manière, le jardin secret de Galliano n’était autre que ce café où il allait boire plus que de raison pour trouver le courage d’insulter ses voisins de table, toujours sur le même mode antisémite. Pourquoi cette haine ? Galliano ne pouvait-il se contenter de remercier le ciel de lui avoir donné tant de talent, puis tant de gloire ? Non, sur une video diffusée par le journal londonien « The Sun », il déclare qu’il « adore Hitler ». Attention, nous dit son avocat, M. Galliano n’est déféré devant le tribunal correctionnel que pour sa querelle avec ses voisins de table et la video n’a rien à faire dans le procès. Cette belle défense, méticuleusement axée sur le droit pur et simple, n’empêchera personne de penser qu’il y a chez le couturier une pulsion raciste qui ne demande qu’à s’exprimer, pourvu qu’il ait un coup dans le nez.
Des antisémites, on en ramasse à la pelle. Galliano n’est pas le premier, ne sera pas le dernier. Mais dans une époque où l’on exige une conduite exemplaire de chaque élu, de chaque chef d’entreprise, de chaque individu qui a acquis ne fût-ce que son quart d’heure de célébrité, dans une époque où les carrières se brisent comme des allumettes dès la première maladresse, on ne peut pas être indulgent envers un homme qui, célébré en France avec un enthousiasme à la mesure de son art, ne comprend pas que son impératif catégorique consiste à respecter les foules anonymes qui font sa notoriété et sa prospérité. Cela s’appelle le sens des responsabilités.
Victimes innocentes.
Certes, me direz-vous, il faut une dose de déraison, de folie, pour faire un spectacle délirant d’un défilé de mode. Et la folie ne connaît pas de limites. Mais ce n’est pas la bonne analyse. M. Galliano, nous semble-t-il, est vite parvenu à la conclusion qu’il pouvait tout se permettre et comme, pour des mystérieuses raisons, couvait en lui un peu de l’antisémitisme que les gens expriment quand ils sont sûrs de n’en pas subir les conséquences, il allait, à temps perdu, taquiner par ses injures des personnes qu’il croyait juives ou que l’alcool rendait juives à ses yeux. À ce jeu dangereux, il n’est pas impossible qu’il ait insulté des gentils, ceux que Raymond Barre appelait, après l’attentat de la rue Copernic et avec un tact éblouissant, des « victimes innocentes ».
En tout cas, nous ne sommes pas mécontents que M. Galliano, qui se dit complètement innocent, sinon d’avoir bu, sinon de s’être querellé, d’avoir prononcé le moindre mot à connotation antisémite, s’explique devant la justice, pas plus que nous ne sommes consternés de son licenciement par la maison Dior, c’est-à-dire par LVMH, c’est-à-dire par Bernard Arnault, dont le très sévère (et pour une fois rapide) communiqué contenait déjà une condamnation suffisante du couturier. On dira désormais de Galliano, dont le nouveau problème est de se trouver un emploi, qu’on peut (ou non) admirer son art sans pour autant lui pardonner son racisme.
John Galliano, ou l’antisémitisme de comptoir
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