Le Quotidien du pharmacien.- Les refus de dispensation sont-ils considérés par les étudiants comme des situations critiques ?
Pr Daniel Guinet.- D’un refus de délivrance à l’autre, les étudiants rapportent des expériences tantôt favorables (par exemple en cas d’erreur de prescription, ou face à des ordonnances périmées de patients de bonne foi), défavorables (patients de mauvaise foi, ou refusant de payer un complément à charge), ou très défavorables (patients toxicomanes en manque). Mais globalement, ils ressentent davantage d’agressivité qu’autrefois. D’où l’importance de maîtriser la communication, qui permet de s’adapter à chaque situation.
Y a-t-il de grands principes à appliquer pour bien signifier un refus de dispensation ?
Il n’y a pas de recette magique : en communication, l’important est d’utiliser le bon outil au bon moment. Cela étant dit, je conseille globalement d’aller au-delà des questions fondamentales telles que « pour quoi ? », « pour qui ? » ou « depuis quand ? » en appliquant le concept POP, pour Patient Objectif Pharmacien : l’idée est de réfléchir aux objectifs du patient et à ses propres objectifs en tant que pharmacien, afin d’adapter sa stratégie de communication. Mieux vaut ne jamais entrer dans un débat sans préparation, au risque de perdre sa crédibilité. Pour se donner du temps pour réfléchir à la position de l’officine sur un sujet amené par un patient, il est possible de dire : « revenez dans trois jours, je serai davantage disponible, et nous prendrons le temps de discuter ».
Quels autres écueils classiques sont à éviter ?
Même s’il peut être difficile de se contrôler, on ne répond pas à un patient agressif par de l’agressivité : la posture à adopter est ferme, mais neutre. On peut répondre à une insulte, avec une poker face : « si vous souhaitez qu’on trouve une solution à votre problème, il faut se parler correctement, mais si vous n’avez pas besoin de moi, vous pouvez partir. » Afin de paraître convaincant, une autre difficulté concerne la cohérence entre la communication verbale et non verbale, ce qui suppose de prendre conscience de son attitude professionnelle, et de contrôler son rythme et son ton de parole, ainsi que sa posture.
Ce module d’enseignement optionnel que vous dispensez est-il suffisant ?
L’arrivée de ce type de modules est un progrès, mais tout n’est pas parfait. Il me semble qu’il manque une formation à la psychologie qui ne viserait pas à faire des pharmaciens des professionnels de la santé mentale, mais à leur fournir quelques clés permettant d’aborder plus facilement les patients ayant un profil psychologique non standard, et à mieux comprendre les mécanismes de la violence et de l’agressivité.
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