À la veille de la présentation du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 et des négociations sur le volet économique de la convention pharmaceutique, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a pris le pouls des confrères quant à leur situation financière. Plus de 2 400 réponses en deux jours dévoilent que 70 % d’entre eux estiment être en mauvaise posture et craignent le pire. En l’absence de revalorisation, plus de 9 pharmaciens sur 10 se disent prêts à mener une action.
C’est un signal d’alarme que transmet l’USPO aux pouvoirs publics. Selon un sondage qui a mobilisé de nombreux pharmaciens en très peu de temps, leur trésorerie est mauvaise (35 %) ou inquiétante (35 %). Quand les experts-comptables estiment qu’une officine en bonne santé doit avoir environ deux mois de trésorerie d’avance, la moyenne des 2 400 titulaires qui ont répondu à l’enquête est de seulement 15 jours. Près de 80 % indiquent que leur situation s’est dégradée par rapport à 2019, soit avant Covid et avant inflation. « C’est un élément majeur, insiste Guillaume Racle, conseiller économie et offre de santé de l'USPO, car une trésorerie de 50 000 euros en 2019 n’équivaut pas à une trésorerie de 50 000 euros aujourd’hui au vu des charges, principalement salariales, qui pèsent sur l’officine en raison de l’inflation. » De fait, le président, Pierre-Olivier Variot, ne compte plus les confrères qui avouent ne pas avoir les moyens de remplacer un départ à la retraite.
Pire : 90 % des répondants soulignent une dégradation marquée depuis le début de 2023. « Le delta entre les rentrées d’argent et les charges est énorme et ne cesse d’augmenter. D’autant qu’en 2023, on paye les impôts sur les chiffres hors norme de 2022 », souligne Guillaume Racle. En conséquence, 35 % des titulaires déclarent avoir enregistré un découvert en 2023 et 35 % pensent connaître cette situation avant la fin de l’année. Ils sont aussi 25 % à avoir demandé un échelonnement à leur grossiste-répartiteur ou à leur groupement. « C’est beaucoup plus que d’habitude où la moyenne tourne autour de 4-5 %, déplore Pierre-Olivier Variot. En juillet dernier, des grossistes-répartiteurs m’ont confié avoir déjà vidé l’enveloppe 2023 dédiée à ces échelonnements. »
À la question de savoir si les pharmaciens ont été contraints (ou vont l’être à court terme) de réduire leur masse salariale – que ce soit par le biais d’un licenciement, d’un départ non remplacé ou d’une embauche différée – ils sont près de 40 % à répondre par l’affirmative. « Et 30 % ne savent pas encore mais se posent la question, précise Guillaume Racle. Soit deux tiers des officines qui ne sont pas dans une dynamique d’embauche. » L’impact n’est pas négligeable, rappelle Pierre-Olivier Variot, « car les pharmaciens sont les plus gros employeurs des professionnels de santé ».
Pour 90 % des pharmaciens interrogés, « la non-revalorisation des honoraires et/ou la baisse des remises génériques » sont une menace pour la pérennité de leur officine et plus de 90 % sont prêts à se mobiliser si l’une ou l’autre de ces éventualités devenait réalité. Le sujet d’une baisse du plafond des remises semble, certes, écarté « pour le moment », reste néanmoins sur la table celui des revalorisations des honoraires de dispensation. « Après la trésorerie, c’est le bilan des officines qui va être impacté, puis l’emploi, et enfin le maillage, prévient Pierre-Olivier Variot, qui y voit une porte ouverte à l’explosion de la financiarisation. Dans ces conditions, il ne faut surtout pas repousser les négociations conventionnelles car tout retard devra être comblé pour remettre les pharmacies en ordre de marche. » Des négociations qui devraient débuter fin octobre pour aboutir, au plus tôt en janvier 2024.
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