Canne tripode, fauteuil roulant, lit médicalisé, mais aussi aérosolthérapie ou oxygénothérapie… Le maintien à domicile fait partie intégrante des missions du pharmacien et il représente un axe de développement professionnel pour les adjoints.
Toutefois, ces dernières années, la prise en charge du maintien à domicile (MAD) à l’officine semble légèrement délaissée par les inscrits de la section D. En effet, « depuis la convention de 2012, les adjoints se sont dégagés du MAD pour se consacrer en priorité à la mise en place des nouvelles missions confiées aux pharmaciens, tels que les entretiens pharmaceutiques sur les anticoagulants ou l’asthme, ou encore, à des secteurs qui demandent des connaissances pointues comme la phytothérapie ou l’aromathérapie », avance Pierre-Xavier Frank, directeur d'IFMO et de l’école de formation Qualipharm. De ce fait, le MAD est de plus en plus souvent confié aux préparateurs qui apprécient souvent cette thématique. « Ainsi, deux tiers des inscrits à nos sessions sont désormais des préparateurs », observe-t-il.
Toutefois, pour les adjoints qui désirent s’investir dans le MAD, il existe encore un champ des possibles. Notamment, dans les pharmacies ayant une importante patientèle âgée, comme les pharmacies de campagne et de bourg, susceptibles de développer une offre conséquente dans le MAD. De leur côté, les pharmacies d’hypercentre ou de centre commercial investiront moins volontiers massivement dans le MAD, mais pourront disposer de quelques produits, d’un catalogue, etc.
Une communication indispensable
Laure Heyndrickx, adjointe à Bretteville-sur-Laize (Calvados), constate qu’il y a de plus en plus de malades âgés désirant rester chez eux, et qui posent de nombreuses questions à ce sujet. Pour mieux leur répondre, l’adjointe propose aux titulaires de suivre un diplôme universitaire (DU) de MAD à Angers, une initiative qu'ils ont accueillie avec beaucoup d’enthousiasme.
« Aucun d’entre eux n’a émis de réserve. La formation, organisée en deux sessions d’une semaine de cours intensif, a permis de me faire remplacer facilement. Elle a été financée par Actalliance, et je n’ai eu à régler que les frais d’inscription universitaire, qui ne représentent que peu de chose en regard du coût total de la formation », raconte Laure Heyndrickx.
Depuis, la pharmacie a beaucoup développé le MAD. « Pour cela, nous avons tout d’abord beaucoup communiqué auprès des patients sur notre capacité à prendre en charge le MAD, avec des leaflettes, des vitrines sur le MAD, nous avons refait des pochettes pour conserver les ordonnances qui stipulaient que nous proposons une offre élargie dans ce secteur. Nous en avons également beaucoup parlé au comptoir », poursuit-elle.
Le décollage du marché du MAD est d’ailleurs palpable : « nous avons 15 ou 20 lits médicalisés et 12 aérosols, mais plus aucun n'est disponible ! », relève Laure Heyndrickx, qui ne peut que constater que ce secteur marche bien et que les patients comme les médecins sont bien entrés dans la démarche de l’officine.
Les atouts de la formation
Si la formation n’est pas un passage obligé pour se lancer dans le MAD, elle apporte une aide indéniable, et ce d’autant plus que l’enseignement du MAD lors de la formation universitaire initiale était encore léger il y a quelques années. « Durant les études de pharmacie, nous n’avons abordé que très succinctement le maintien à domicile. Grâce à une formation universitaire complémentaire, j’ai vite acquis de nouvelles compétences : cela me permet de répondre aisément aux questions de patients en quête de matériel », déclare Aline Chataigner, adjointe à Douai la Fontaine (Maine et Loire) et, une journée par semaine, à Argenton les Vallées (Deux Sèvres).
Pour Sébastien Faure, professeur à la faculté de pharmacie d’Angers et directeur de l’Unité formation continue en santé, les adjoints qui s’inscrivent au DU sont avides de développer des compétences et leurs connaissances des dispositifs médicaux et du matériel médical. « Ils ont des besoins très pratiques, par exemple sur les pansements, les stomies, les kits de perfusion, les fils de suture, l’enrichissement alimentaire, les compléments nutritionnels oraux, etc. Et cela, d’autant plus que le milieu évolue rapidement en termes de matériel, mais également en termes de réglementation et de prise en charge. Par exemple, le remboursement dans le domaine de la perfusion a beaucoup évolué dernièrement », évoque Sébastien Faure.
La formation universitaire permet également de prendre du recul par rapport au discours des fournisseurs de matériel et d’avoir plus d’arguments dans la discussion. « Nous faisons la part des choses sur les matériels disponibles sur le marché », souligne l’enseignant.
D’autres adjoints ne sont pas passés par une formation universitaire, comme Isabelle Demarecaux, adjointe à Fenain (Nord). Toutefois, l’officine dans laquelle elle travaille faisant partie d’un groupement, la pharmacienne a bénéficié de courtes formations dispensées par ce dernier et de présentations de matériels.
« Adhérer à un groupement a été un bon soutien pour développer le MAD », reconnait-elle. De plus, la pharmacie a intensifié sa communication auprès du grand public : « nous avons indiqué notre expertise MAD sur la vitrine et notre catalogue de matériel est en permanence sur le comptoir. Cela intéresse beaucoup les patients qui le prennent spontanément et nous posent alors volontiers des questions. Par ailleurs, nous venons de nous lancer dans l’oxygénothérapie, en collaboration avec un prestataire qui s’occupe notamment des astreintes, trop lourdes à gérer pour une officine », témoigne Isabelle Demarecaux.
Enfin, la pharmacie a organisé une journée portes ouvertes MAD, et a invité les infirmières et des médecins des alentours et les patients intéressés, avec démonstration du fonctionnement d’un lève-malade, etc. « Mais ce sont surtout les patients qui ont répondu présent », se souvient-elle.
Shunter la concurrence
Cet effort de communication auprès des patients est primordial, surtout dans le domaine fortement concurrentiel du MAD. En effet, à la sortie de l’hôpital, les patients sont systématiquement orientés vers un prestataire de services qui leur proposera de prendre globalement en charge leur MAD. Le pharmacien est donc très souvent court-circuité.
De plus, le patient ignore qu’il a le droit de choisir son prestataire, et d’opter pour la mise en place du MAD par son pharmacien. « Souvent, lors de discussions, les patients nous font part de leurs problèmes avec le prestataire de services, et ils découvrent l’aide que nous pouvons leur apporter. » Isabelle Demarecaux cite en exemple cette cliente dont le père, sous oxygénothérapie, est angoissé au sujet d'un rendez-vous chez l’ophtalmologiste.
Le prestataire ne peut lui fournir que de petites bouteilles d’oxygène et il s’inquiète de leur durée d’autonomie. « Nous lui avons trouvé des bouteilles ayant une meilleure autonomie, ce qui lui a permis de se rendre sereinement à son rendez-vous médical. » De plus, à l’officine, le suivi est facilité car les patients ou l’entourage se rendent fréquemment à la pharmacie.
Par ailleurs, prendre en charge le MAD permet d’avoir une relation différente avec les patients et leur entourage. « Si, en amont, les patients connaissent mal notre expertise dans le MAD, ils sont dans la grande majorité très reconnaissants de l’aide que nous leur apportons une fois que nous nous chargeons de mettre en place, chez eux ou chez un de leurs proches, un maintien à domicile », constate Aline Chataigner.
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