Les adjoints au quotidien

Des officinaux enseignants qui ont toutes leurs facultés

Publié le 19/01/2009
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Valérie, Caroline, Claire, Sébastien, Sabrina : ces adjoints, âgés de 29 à 48 ans, ont choisi d'enseigner dans une faculté de pharmacie. Tous évoquent un engagement exigeant, qui fait d'eux une « passerelle » entre deux univers encore trop cloisonnés. Partage d'expériences.

IL N'EST plus rare aujourd'hui de croiser des officinaux dans les couloirs des facultés de pharmacie. Certains y viennent pour étudier et d'autres, pour enseigner. La plupart des facs ont compris l'intérêt de cette présence dans la formation des futurs pharmaciens. Des adjoints en exercice, mais aussi quelques titulaires, sont vacataires, pour des interventions ponctuelles, et même enseignants à part entière. Ils ont alors le statut de professeur associé temporaire (PAST), employé à mi-temps et en charge de la pharmacie virtuelle installée dans la faculté. Ce concept, né il y a près de dix ans, permet aux étudiants de se familiariser et de se perfectionner à l'exercice du comptoir.

Brigitte Vennat, présidente de l'APPEX (Association pour la promotion des pharmacies expérimentales), compte 20 facultés pourvues d'officines virtuelles sur un total de 24. « La mise en place des pharmacies expérimentales a boosté l'apparition des PAST pour la filière officine. Ils sont une quinzaine de pharmaciens affectés à leur fonctionnement », précise t-elle. Parmi ces professeurs associés, il y a donc des adjoints, comme Caroline Wehrlé (45 ans, Strasbourg), Sabrina Chapouly (29 ans, Clermont-Ferrand), ou Sébastien Zanetti (35 ans, Lille). Valérie Siranyan (42 ans, Lyon) et Claire Filloux (48 ans, Limoges) ont, quant à elles, d'autres attributions. La première est maître de conférence en droit pharmaceutique. La seconde est vacataire pour un enseignement sur l'orthopédie et l'autosurveillance. Des profils bien différents, mais la même volonté de transmettre les valeurs, les exigences et le plaisir du métier officinal.

Leur profil.

Les adjoints s'engagent dans l'enseignement à tout âge. Ils sont frais émoulus de l'université. D'autres ont déjà pas mal roulé leur bosse. « Je dois être le seul maître de conférence à avoir travaillé une dizaine d'années en officine », estime Valérie. La jeune femme livre les étapes clés de sa carrière. Issue d'un milieu de juristes, elle prolonge sa pharmacie par des études de droit. On lui propose d'enseigner cette matière à la faculté, alors qu'elle planche sur sa thèse. Valérie est sous statut d'ATER (attaché d'enseignement et de recherche), incompatible avec un emploi dans le secteur privé. C'est à nouveau le cas aujourd'hui, comme maître de conférence. « C'est un véritable drame pour moi de ne plus être au comptoir, rapporte Valérie. Si j'ai été happé par l'enseignement, ma passion, c'est l'officine et le soin pharmaceutique. » Claire est adjointe et vacataire depuis 12 ans à la faculté de Limoges. « Étudiante, je donnais déjà des cours de chimie physique », se souvient-elle.

Quant à nos trois adjoints PAST, ils n'ont pas tout à fait le même profil. Après 20 ans passés au comptoir, Caroline a franchi le pas vers l'université. « L'enseignement m'a toujours attiré. Je suis entourée d'enseignants. Mes enfants ont grandi et je me sentais prête pour transmettre ce que j'ai appris. » Dans son dossier de candidature, elle a mis en avant ses diplômes d'orthopédie, de dermopharmacie et ses compétences en assurance qualité. Sébastien et Sabrina ont quitté plus récemment les bancs de la faculté. Le jeune adjoint était vacataire à la faculté de Lille depuis 2002. Des cours sur le conseil officinal, le sujet de sa thèse, lui ont été confiés. Le doyen Daniel Vion a soutenu son intégration comme PAST en charge de la pharmacie expérimentale. « Sa participation est très précieuse car il a une pratique quasi quotidienne au comptoir », justifie t-il. Sabrina est venue à l'enseignement par le biais de sa titulaire, responsable des maîtres de stage à Clermont-Ferrand. « Le poste de PAST a été créé et j'ai postulé. En fait, il faut se trouver au bon endroit au bon moment. Et aussi se faire connaître dans la faculté, quitte au départ à faire du bénévolat. »

Leurs motivations.

Les adjoints enseignants ont le sentiment d'être une « passerelle » entre deux univers qu'ils veulent rapprocher, l'officine et l'université. Deux mondes qui sont les leurs, où ils apportent par leur enseignement autant que celui-ci leur apporte. Valérie ne cache pas que son ambition initiale était de faire évoluer l'exercice pharmaceutique. Elle voit cette double activité comme un « énorme avantage », qui lui a donné de l'assurance. Caroline ressentait le besoin d'apporter sa pierre à l'édifice. « Je voulais faire bénéficier les étudiants de mon expérience et aussi découvrir le monde universitaire. »

Sébastien trouve son action à la fac « complémentaire et très concrète ». Il estime que les étudiants d'aujourd'hui ont plus de chances. « De mon temps, il n'y avait pas autant de stages. C'était plus difficile de mettre en pratique nos connaissances. » Il aimerait bien s'installer, mais en association, pour pouvoir garder un pied dans l'enseignement. Sabrina, qui a pris ses fonctions de PAST au début du mois, est en période de rodage. Elle doit faire 100 heures par an à la faculté et 32 heures par semaine à l'officine. La jeune femme se considère encore plus comme étudiante que professeur.

Leur organisation.

Les PAST occupent un poste qui représente au maximum un mi-temps. Les vacations peuvent ne prendre que quelques jours dans l'année. En fait, on en fait toujours plus, avec la préparation des cours, la participation aux thèses… Comment s'organiser, dans ces conditions, avec le travail à l'officine ?

Occupée à la faculté quatre jours par semaine, Valérie se souvient qu'elle a parfois eu du mal à trouver un emploi en pharmacie. « Des titulaires cherchaient un adjoint à temps partiel qui puisse être disponible pour remplacer un autre employé au pied levé. » Du coup, elle annonçait toujours la couleur. « Certains trouveront qu'avoir un expert juridique comme employé est un atout. D'autres, non. » Caroline concilie bien ses deux activités. Elle fait 20 heures par semaine à l'officine. « Mais je travaille pour l'université tous les jours. L'esprit n'est jamais vraiment au repos. » Pour Sébastien aussi, il faut jongler avec les deux métiers. « Tout est planifié longtemps à l'avance à la faculté. J'arrive à m'arranger avec mon titulaire. » Ces adjoints, très impliqués au plan professionnel, savent trouver des employeurs compréhensifs.

Leurs attributions.

Outre la capacité à s'organiser, les adjoints enseignants doivent, bien sûr, avoir des qualités pédagogiques. « Il y a peut-être quelque chose d'inné, mais aussi de l'acquis, soutient Valérie. Au début, c'est difficile. Mon premier cours, c'était devant 200 étudiants. On n'a pas d'autre choix que de se jeter dans le bain. » Claire a dû faire quelques rappels à l'ordre lors de ses tout premiers cours. Venant de l'officine, elle n'était peut-être pas perçue comme un enseignant de profession. Un ressenti qui a aussi un bon côté : les étudiants considèrent les officinaux comme plus accessibles. Claire se sent bien intégrée au sein de cette communauté universitaire qu'elle fréquente depuis longtemps. Elle est questionnée, de temps à autre, sur sa pratique du comptoir. Toujours au plan de la pédagogie, nos officinaux ont appris à réajuster leurs enseignements. « Après les examens, on mesure le niveau d'assimilation de nos cours. L'enseignement exige une remise en cause permanente », souligne Caroline.

La mise à jour s'exprime aussi au quotidien dans le suivi des évolutions professionnelles et des informations scientifiques. Caroline réalise une revue de presse mensuelle pour ses étudiants. Elle illustre les cours théoriques (auxquels elle assiste parfois) en organisant des commentaires d'ordonnance dans la pharmacie virtuelle. « Au comptoir, on explique à longueur de journée. On est habitué à cela. Mais on vulgarise. Et cela aussi, il faut l'apprendre aux étudiants », note Caroline. Elle a une certaine liberté dans le contenu de son enseignement. « On compte sur notre esprit d'initiative », indique la pharmacienne strasbourgeoise. L'animation de la pharmacie virtuelle demande de solliciter de nombreux intervenants des « vraies » officines. Pour Sébastien, ce sont les prestataires en informatique, puisqu'il est chargé de présenter aux étudiants les différents logiciels métier. Il réalise des cas de comptoir avec son collègue spécialisé en pharmacologie. Y a t-il meilleure mise en condition pour l'exercice à venir ?

› MATTHIEU VANDENDRIESSCHE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2631