Au-delà de l’implication de tous les soignants sur le territoire français dans le combat engagé contre le Covid-19, ce sont la solidarité et la créativité de la Nation tout entière, et des professionnels de santé en particulier, qui font la différence en ces temps difficiles. La France était à peine confinée que déjà un mouvement de solidarité se mettait en marche. Étudiants en pharmacie et pharmaciens actifs ou retraités ont commencé à rejoindre, dès le 17 mars, la réserve sanitaire ou les plateformes #Renforts-Covid et Pharm’Help. Quelques clics ont suffi pour qu’à Tulle, Nevers, ou Amiens, Léa, Jesse ou Nicolas viennent prêter main-forte à des équipes officinales dont les rangs étaient éclaircis par le virus ou les conséquences du confinement.
Le même élan a poussé les étudiants des facs de pharmacie d'Angers ou de Grenoble à se mettre au préparatoire pour fabriquer des solutés hydroalcooliques (SHA), distribués ensuite aux hôpitaux et aux médecins de ville. Des SHA qu'un titulaire strasbourgeois n'a pas hésité à offrir à ses clients toute la journée du 11 mars. Par ce geste, Guillaume Kreutter suivait deux objectifs : tordre le cou aux fakenews sur le coronavirus et sensibiliser la population à ce geste barrière. La course à l’éthanol qui s'est emparée de la France dans les premières semaines de l’épidémie a levé le voile sur tout un pan de l'économie à l’arrêt. Des Hauts-de-France à la Provence, le sucrier Terreos, Pernod-Ricard ou encore un fabricant d'absinthe du Doubs n’hésitent pas à vider leurs cuves pour mettre le précieux alcool à la disposition des pharmaciens.
Entraide, le maître-mot
Un flot de générosité qui révèle bien des surprises. « J’ai ainsi découvert qu’il y avait une distillerie près de mon officine ! », sourit Agnès Firmin-Le Bodo, députée et titulaire au Havre. Cette révélation la met sur la piste d’un autre voisin, un fabricant de bouteilles de soda, qui va confectionner des flacons pour ses SHA. Des verriers aux ébénistes en passant par les plasturgistes qui réinventent des hygiaphones et les cèdent à prix coûtant, de nombreux corps de métier se mettent à disposition des pharmaciens. Jusqu’au coiffeur Franck Provost qui, en accord avec le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), demande à ses salons d’offrir aux officines, leurs stocks de gants, lingettes et autres sprays désinfectants.
La solidarité se veut aussi intracommunautaire. Pendant cette crise sanitaire et avec le soutien du CNOP, l’initiative régionale des pharmaciens d’Auvergne-Rhône-Alpes ADOP (Aide et dispositif d’orientation des pharmaciens) est devenue nationale. Une trentaine de pharmaciens volontaires formés à l’écoute accompagnent les confrères en difficultés*. « Le maître-mot », pour Hugues Videlier, membre fondateur d’ADOP et titulaire dans l’Isère, c’est l’entraide.
Défier le Corona en chantant
La spontanéité s’invite dans cette solidarité et il n’est pas rare qu’elle se double d’une créativité nouvelle. Et d’une révélation de talents ! C’est le cas d’Abdelghani (dit Rani) Maftouh, titulaire à Quesnoy-sur-Deûle (Nord), qui chante tous les dimanches sur les réseaux sociaux, guitare à la main et parodie en bouche. Il détourne ainsi avec succès des titres de la chanson française pour les adapter à son quotidien de pharmacien. Mention spéciale pour sa reprise de « La Carioca » devenue « Le Corona ».
C’est tout aussi spontanément que Benjamin Zemiro, titulaire à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), a lancé le 15 avril dernier l’opération #Appelle ton voisin. « Je me suis rendu compte qu’avec le confinement, de plus en plus de personnes – généralement observantes – n’allaient plus chez leur médecin, ne faisaient plus leurs prises de sang, voire ne venaient plus chercher leur traitement en pharmacie. » Un constat partagé par les médecins de la ville. Ensemble, ils font appel à la solidarité collective sur les réseaux sociaux pour que chacun s’assure des besoins sanitaires de ses voisins. « Des jeunes, surtout des 18-25 ans, se sont mobilisés, ils se sont proposés pour aller chercher les médicaments à l’officine pour les personnes fragiles. À la pharmacie, nous avons appelé nos patients très âgés qu’on ne voyait plus. Les enfants de certains de nos patients, vivant en province ou à l’étranger, nous ont aussi contactés pour suivre leurs proches, pour leur livrer à domicile leurs traitements. » Le succès est au rendez-vous, même si « le taux de conversion n’est pas de 100 % ». La livraison à domicile a d’ailleurs été adoptée par la très grande majorité des officines françaises.
Le pharmacien de la rue
Car, paradoxalement, le confinement a fait sortir le pharmacien de son officine… jusque dans la rue. Au cours de la première semaine, bon nombre de titulaires, dans l’attente de mesures de protection à l’officine, n’ont pas hésité comme la pharmacie de la Bonne humeur à Créteil (Val-de-Marne) à sortir une table devant leur vitrine afin de recevoir dans cette sorte de drive improvisé leurs patients en toute sécurité. Un autre pharmacien a également investi l'espace public : dans le VIe arrondissement de Paris, la pharmacie Delpech, spécialisée dans les préparations magistrales, a produit certains jours près de 10 000 litres de SHA grâce à un laboratoire installé en pleine rue. Une initiative autorisée par la Mairie de Paris afin que la pharmacie puisse avoir l'espace nécessaire pour préparer et conditionner des SHA. Il y a quelques jours, le laboratoire de rue a dû déménager pour des raisons de sécurité et la production se poursuit désormais dans d'autres locaux. Entre le 3 mars et le 3 mai, la pharmacie Delpech aura produit plus de 280 000 litres de SHA, vendus à environ 4 000 pharmacies, selon les estimations du titulaire, Fabien Bruno.
C'est sur le terrain que les idées naissent et vivent. En témoigne l'ouverture par l'Union régionale des professionnels de santé libéraux (URPS) pharmaciens d'Ile-de-France de son application monpharmacien-idf.fr à tous les professionnels de santé de ville. Le but : leur permettre de précommander leurs masques dans l'officine la plus proche, fluidifier la distribution et renforcer les liens interprofessionnels. À l’instar des groupements et des répartiteurs qui ont renouvelé leurs propositions d’aides financières aux pharmaciens en difficulté pendant cette crise, l’échelon régional s’est aussi démarqué en permettant aux pharmaciens de se doter d'équipements de protection. La région Auvergne-Rhône-Alpes a ainsi mis en place une aide de 500 euros pour que les officines puissent s'équiper de protection de comptoir en plexiglas, tandis que l'Ile-de-France propose, notamment aux pharmaciens, un remboursement sur facture de l'achat de tout système de protection des équipes et des patients.
Ajoutées aux missions exceptionnelles, ces initiatives des pharmaciens et de leurs partenaires ont mis en avant l’engagement sans faille des confrères. La Fédération internationale pharmaceutique (FIP) ne s’y est pas trompée en lançant le #Pharmacyheroes pour saluer cette première ligne de front. Tout comme le grand public, qui exprime confiance et reconnaissance à la profession. Et jusque dans la presse. En atteste la quatrième de couverture de « La Voix du Nord » du 3 avril : « A tous les pharmaciens, MERCI ».
* Accessible en permanence au 0800 73 69 59, le service garantit l’anonymat de l’appelant et peut lui proposer une mise en contact avec un psychologue.
A la Une
Remises commerciales biosimilaires : oui, mais à quel taux ?
Prévention contre le Covid
Quelle est la durée de conservation du vaccin Comirnaty ?
Tensions sur la forme injectable et buvable
Vitamine B12 : les pharmaciens doivent toujours privilégier les comprimés pour l’usage par voie orale
Statistiques GERS Data
Médicaments remboursables : des baisses de prix qui impactent l’économie officinale