Deux marchés pensés pour les peaux lésées

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Publié le 19/10/2023
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À l'officine, le soin des petites plaies est confié aux pansements classiques et aux antiseptiques, deux marchés qui multiplient leurs réponses pour faire face aux divers profils des lésions cutanées.

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Plusieurs classes d'antiseptiques, répertoriées selon leur spectre d'activité, coexistent à l'officine. Celle des antiseptiques majeurs abrite des formules bactéricides à large spectre qui constituent la plupart des solutions du rayon OTC destinées à l'antisepsie des plaies et la désinfection de la peau.

Elles mettent en œuvre des molécules bien connues : les dérivés du chlore (Dakin Cooper stabilisé, Amukine) et de l'iode (Bétadine), la chlorhexidine (Chlorhexidine aqueuse Gilbert, Chlorhexidine Arrow, Dosiseptine, Diaseptyl, Hibiscrub, Septivon…) et l'éthanol que l'on retrouve le plus souvent à 70 % dans les flacons d'alcool (Alcool Gilbert, Alcool modifié Gifrer, Alcool modifié Cooper). D'autres types d'antiseptiques viennent compléter ce panel comme l'éosine (Éosine aqueuse Gilbert, Éosine Cooper) recommandée dans le traitement d'appoint des lésions cutanées susceptibles de s'infecter, l'hexamidine (Hexomédine), l'eau oxygénée dosée à 10 volumes (Eau oxygénée Gifrer, Cooper, Gilbert, Dosoxygénée) utile pour arrêter les saignements et expulser les corps étrangers des petites plaies ou encore les sels de cuivre et de zinc présents dans l'Eau de Dalibour.

Tous les antiseptiques n'ont pas les mêmes caractéristiques et certains se distinguent par le nombre de leurs atouts, selon Vincent Driano, pharmacien et chef de produit au laboratoire Cooper. « Les dérivés du chlore et de l'iode ont un spectre très large incluant virus, bactéries et champignons. Ils ont un mode d'action universel et irréversible. » Autre point fort, ces formules n'engendrent pas de résistance bactérienne. « C'est un avantage certain pour la santé publique, l'OMS ayant identifié la résistance aux antimicrobiens comme une menace mondiale majeure. C'est aussi une des raisons qui explique le retour en force de Dakin et de Bétadine sur le marché de la prescription. »

Différents spectres d'action

Dakin est indiqué dans l'antisepsie et la désinfection de la peau saine comme lésée, celle des muqueuses (sauf la muqueuse oculaire) ainsi que dans le lavage et l'irrigation des plaies. « Il convient à tout type d'usage - notamment en cas de varicelle, de panaris, d'ongles incarnés - et tout type de profil patient », précise Vincent Driano. Les dérivés iodés se destinent aussi à l'antisepsie de la peau, des plaies et des muqueuses mais ils font l'objet de contre-indications et de précaution d'usage. La chlorhexidine, pour sa part, est très appréciée du public car elle est indolore, incolore et inodore. « En solution aqueuse elle est bactéricide mais son spectre est incomplet sur certaines formes de bactéries et de champignons. » Son association avec le chlorure de benzalkonium et/ou l’alcool benzylique dans des solutions comme Biseptine et ses génériques (Biogaran, EG Labo, Mylan), Biseptinespraid, Hexicid ou Mercryl permet d’obtenir une action bactéricide à large spectre.

La chlorhexidine ne doit pas s'utiliser sur les muqueuses et les plaies étendues, est contre-indiquée pour la désinfection du matériel et comporte un risque de résistance bactérienne notamment à faible concentration. L'hexamidine est un autre bactéricide à spectre d'action incomplet mais il est associé à de l'alcool dans la formule d'Hexomédine transcutanée indiqué dans toutes les infections de la peau et des ongles. La gamme Hexomédine est beaucoup utilisée pour traiter l'acné, tout type de boutons et les affections sous-cutanées. L'alcool, enfin, a des effets variables en fonction du dosage en éthanol. « De 30 % à 50 %, il est bactériostatique, de 50 % à 95 % il est bactéricide, rappelle le chef de produit Cooper. L'alcool à 70 % est indiqué dans l'antisepsie des petites plaies, de la peau et la désinfection des mains (gel hydroalcoolique). À 90 %, il est utilisé pour la désinfection du matériel. »

Au global, le marché des produits désinfectants pour la peau, les plaies et les mains a pesé quelque 128 millions d'euros sur un an pour 33,4 millions d'unités vendues (source IQVIA Pharmastat) . Stable, il se compose à 43 % de produits prescrits (51 % en volume), 57 % des ventes en valeur (49 % en volume) étant réalisées hors prescription. « Le seul segment des solutions pour application locale représente 91 millions d'euros sur un an », indique Vincent Driano. Les présentations en spray sont très appréciées dans cette catégorie.

Classiques mais techniques

Après avoir été désinfectées, les plaies ont souvent besoin d'être protégées. C'est le rôle des pansements prédécoupés qui ont compté 3,3 millions de boîtes vendues pour 15,8 millions d'euros (source IQVIA Pharmastat). En progression de 4,2 % en valeur et 2,1 % en volume, ce segment abrite des gammes de pansements classiques bien connues signées Urgo Healthcare, Eucerin, 3M Santé, Évolupharm, Brothier, Lohmann & Rauscher (...), mais aussi Paul Hartmann, qui souligne le dynamisme de ce segment de marché : « L'évolution des attitudes de santé (automédication, déserts médicaux) conduit une partie croissante des patients souffrant de petites plaies à s'adresser à l'officine », explique Margaux Besch, chef de marché chez Paul Hartmann.

De nombreux petits actes de soin qui relevaient autrefois d'un professionnel de santé peuvent désormais être effectués par le patient car l'offre en pansements classiques a gagné en technicité. « On voit émerger des dispositifs à base de silicone ou d'hydrogel pour accélérer la cicatrisation, des strips pour refermer les plaies, des pansements stériles. Ces produits d'expertise ont été retravaillés pour être proposés au grand public dans des formats économiques et des prix adaptés. » Outre la protection des petites plaies (Dermaplast), la gamme libre accès de Paul Hartmann se destine, notamment, au traitement des ampoules, brûlures, coupures (Omnistrip) et à la protection des plaies à risque d'infection (Cosmopor).

Axée sur les premiers soins, la gamme Nexcare (3M Santé) vise également à répondre aux petites blessures du quotidien grâce à des supports aux propriétés multiples, résistants, flexibles, protecteurs anti UV, respirants, à l'œuvre dans ses pansements (Flexible Foam, Ultra Stretch, Waterproof, Strong Hold, Blood Stop, Skin Crack Care…). Son dernier lancement, Nexcare Duo est équipé d'une bande adhésive en silicone pour un retrait en douceur et non irritant.

Anne-Sophie Pichard

Source : Le Quotidien du Pharmacien