CONSIDÉRANT que les pharmaciens étaient écartés des discussions, l’Association de pharmacie rurale (APR) vient de demander à participer, au même titre que les vétérinaires, aux réunions ministérielles à venir sur la prescription d’antibiotiques vétérinaires. Dans une période de fortes turbulences, réunir les pharmaciens et les vétérinaires autour d’une même table ressemblerait pourtant presque à une gageure. Ces derniers jours, les discussions autour du projet de loi pour l’avenir de l’agriculture ont en effet mené les relations entre les deux professions à leur paroxysme. Notamment depuis l’annonce de l’abandon du projet de découplage sur les antibiotiques dits critiques.
Une annonce qui, sur notre site Internet lequotidiendupharmacien.fr, a comme ouvert les vannes d’un débat animé entre les deux professions. Curieusement, ce sont les vétos qui ont ouvert le feu. « Vous n’avez quasiment aucune formation concernant le médicament vétérinaire, votre seul but est de pouvoir continuer à vendre à distance des cartons d’antibiotiques à des élevages sans jamais vous rendre sur place. Chacun son métier et tout ira bien », décoche ainsi l’un d’entre eux. « Je suis d’accord avec vous, ironise Philippe, un officinal, chacun son métier : à vous le diagnostic et la prescription ; au pharmacien le médicament. Et effectivement tout le monde (humain et animal) ira bien (mieux). »
Pas formés, les pharmaciens spécialisés ? La critique passe mal chez certains confrères, tel François : « Votre commentaire est offensant. C’est faux ! Nous avons tous une formation prolongée sur les médicaments humains et vétérinaires, sanctionnée par des examens. Certains de mes confrères, comme moi, ont passé en plus un DU de pharmacie vétérinaire (6 mois de cours), de nombreux professeurs étaient vétérinaires… Et ils étaient très sympathiques… Eux ! »
La question sensible du découplage.
Quant à la question sensible du découplage et de son efficacité dans la lutte contre l’antibiorésistance, là encore, les vétérinaires ne mâchent pas leurs mots. « Mettre sur le dos uniquement des vétos le problème de l’antibiorésistance est une aberration », déclare Clément, tandis que Nathalie assène : « les pharmaciens ne luttent pas contre l’antibiorésistance, ils appliquent des ordonnances… et vendent des médicaments. » « Pour info, le pharmacien dispense une ordonnance et délivre les médicaments », corrige notre confrère Philippe, avant d’ajouter : « Des ordonnances, oui ! Quand les vétérinaires veulent bien les remettre aux propriétaires des animaux qu’ils soignent, comme la loi les y oblige ! Force est de constater que c’est rarement le cas, limitant en cela le choix du fournisseur de médicaments, et donc la concurrence. » On touche ici au cœur du débat.
Même échange d’arguments entre une vétérinaire, qui rappelle que « les pays qui pratiquent le découplage n’ont pas diminué leur consommation d’antibio, ni l’antibiorésistance. Les vétos français ont en revanche diminué leur consommation de plus de 30 % en 5 ans, en s’autorégulant ! » L’affirmation fait mouche ! « 30 % en 5 ans, bravo ! Cela veut donc dire qu’il y avait bien une surconsommation d’antibiotiques, qui prouve que le système de couplage est mauvais », rétorque Philippe. Et Christian de s’interroger : « pourquoi les vétérinaires ont-ils fait autant de lobbying pour conserver la délivrance d’antibiotiques critiques puisqu’ils semblent s’engager à quasiment ne plus les prescrire demain ? Pourquoi n’ont-ils pas réduit leurs prescriptions de ces antibiotiques critiques d’eux-mêmes bien avant que ne soient évoquées les suppressions des marges arrières par les autorités dans le plan Eco-antibio 2017 et la loi d’avenir agricole ? »
Peut-être fatigué par la virulence du débat, Clément, vétérinaire, veut relativiser : « des abus et des trafics il y en a dans les deux professions (...). Je n’apprécie pas que l’on soit considéré comme des adversaires (...). » Pas sûr que cela suffise à calmer le jeu…
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