- Julien, quand tu auras fini de faire la gueule, tu nous fais signe. Si tu veux, j'ai un peu d'arnica sur moi…
En disant cela, Damien se soulève et sort de sa poche un tube dose d'Arnica 9 CH.
- Mais tu es irrécupérable : tu te promènes toujours avec ta dose d'Arnica ? lui rétorque Julien avant de boire une gorgée de bière.
- Toujours. Et tu sais pourquoi ?
Juliette le regarde :
- Parce que t'es un malade ! Tu n'as même pas d'enfants !
- Justement, c'est pour m'y préparer. C'est aussi pour sortir des copains de leur torpeur !
Damien lance une tape amicale à Julien, qui décroche son premier sourire de la soirée :
- Tu vois ça marche ! Il faudra que je le dise au ministère : l'homéopathie, ça marche…
- Tu sais que pour un choc psychologique, on tape plutôt dans les hautes dilutions ! Avec Arnica 30 CH, explique Juliette d'un ton railleur.
- Oui, mais là on s'en fout. Il a eu un choc psychologique le petit ?
Julien fait la moue.
- Lâche-moi Dam's, ou je te fais manger les granules avec le tube !
- Mais c'est qu'il a l'air méchant le petit pharmacien !
Puis, tournant la tête vers Juliette :
- Toi, tu sais ce qu'il a ! J'en suis sûr. C'est quoi son choc psychologique ? Son traumatisme si dramatique qu'il n'a presque pas touché à sa bière depuis qu'on est servi, soit 5 minutes ? Ah je sais. Ta copine t'a quitté. Marina est partie avec un étudiant en médecine !
Les trois collègues éclatent de rire. Juliette décide de se lancer dans des explications :
- Tout à l'heure, je suis intervenue pour mettre fin à une conversation stérile entre Julien et une cliente.
- Qui ?
- Madame Largeau.
- Ouhhhh, la mère Largeau ! Et toi tu fais la gueule parce que Juliette t'a sauvé la vie ! C'est toi qui es malade de t'engager dans un débat avec Madame Largeau. Elle était prof et vaut mieux se tenir à carreau avec elle…
Juliette reprend :
- Je te comprends Julien. Ça fait pas plaisir et si ça peut te rassurer, on est tous passés par ces moments de doute. Ça fait partie de l'apprentissage. Il n'y a pas que la technique, la connaissance du médicament. La relation client ou patient, comme tu veux, c'est bien plus complexe que dans une pharmacie virtuelle. On est dans la réalité.
- Et on est une équipe : si l'un de nous est en difficulté, l'autre lui vient en aide. C'est comme ça à la Pharmacie du Marché, pas seulement pour les stagiaires. Tu te souviens quand je me suis fait enguirlandé par le couple sous valsartan ? J-C est intervenu et heureusement.
- Bon OK, j'ai compris, lance soudain Julien. Tout à l'heure, je voulais juste faire comprendre à Mme Largeau qu'il fallait penser collectif, que le remboursement des médicaments n'était pas une affaire individuelle. Mais le comptoir d'une pharmacie n'est pas le comptoir d'un bar où l'on refait le monde. Donc j'ai compris. Merci.
Julien prend son verre et le lève vers ses collègues pour trinquer. Le stagiaire aperçoit alors Karine, assise à une table au fond du café. Un homme, qui n'est pas son mari, lui tient la main. Il reconnaît le docteur Breton. Intriguée, Juliette se retourne pour suivre le regard de Julien. Lorsque Damien découvre la scène à son tour, il boit une gorgée de bière et dit :
- Mince. Ça devient Grey's anatomy à la Pharmacie du Marché !
(À suivre…)
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