Il était une fois un châtelain et une châtelaine vivant dans un château des Dombes, près du village de Neuville-les-Dames (situé non loin de Bourg-en-Bresse) d’autant plus comblés qu’ils venaient d’avoir un bébé. Hélas, leur conte de fées ne dura guère. Un jour que l’enfant demeurait seul, sous la garde d’un lévrier, un serpent surgit des buissons et se dirigea vers le berceau. Le chien, attentif, se jeta sur le reptile au moment où il l’atteignait et réussit à le tuer. Mais, ce faisant, il renversa la couche du bébé dans un grand fracas. La nourrice se précipita, découvrit le berceau à terre et l’enfant en pleurs, blessé par sa chute. Ses cris alertèrent le seigneur du lieu qui cru sur l’instant que son chien avait attaqué le nourrisson : aussitôt, il sortit son épée et l’en transperça, avant de découvrir le corps du serpent et de comprendre sa méprise cruelle. Le valeureux canidé fut alors jeté dans un puits, couvert de pierres, et le seigneur fit planter un arbre à l’endroit de son trépas… Les paysans de la seigneurie, n’ayant rien perdu de cette histoire, virent dans ce lévrier un digne intercesseur auprès du Ciel, capable de protéger également leurs enfants. Ils s’en remirent donc à lui.
Un saint sans reliques, des reliques sans saint
En ce XIIIe siècle si profondément religieux, des moines commençaient à sillonner les campagnes pour y traquer les « erreurs » de la foi, entendons les hérésies. Parmi eux, le comte Étienne de Bourbon (1180-1261) reste l’un des plus connus : ce dominicain fit de nombreux émules dont Bernard Gui (1261-1331) - qui inspira le personnage de Bernardo Gui dans Le Nom de la Rose, célèbre roman d’Umberto Eco -. Bref, lorsque notre dominicain arriva dans les Dombes, il apprit des paysannes qu’elles confiaient la santé des nouveau-nés à un mystérieux saint Guinefort dont les reliques faisaient l’objet d’un culte. Il eut cependant rapidement la surprise de comprendre qu’il ne s’agissait pas de l’un de ces saints qui, parmi des milliers d’autres à l’époque, donnaient lieu à une croyance souvent localisée, mais bel et bien des restes d’un… chien « canonisé », si l’on ose dire, par les paysans. Il n’y avait rien d’étonnant à cette logique populaire : des animaux pouvant alors être jugés et punis pour des fautes qui leur étaient imputées, pourquoi n’eussent-ils pu être également sanctifiés ? Toutefois, horrifié par une telle pratique, l’inquisiteur exhuma les restes du lévrier qu’il brûla, abattit l’arbre planté par les châtelains et interdit tout culte voué à ce « saint » d’un genre nouveau.
Une question interroge depuis les historiens : pourquoi et comment le lévrier devint-il ce Guinefort dont Étienne de Bourbon découvrit le culte ? Des théories s’affrontent, difficiles à vérifier. Il semble que l’influence de l’abbaye de Cluny, proche, ait été déterminante. Les moines qui en dépendaient, vivant au plus près des paysans, n’ignoraient pas l’existence de cette pratique, n’entendaient pas y mettre un terme, mais tenaient sûrement à ce qu’elle revête une figure plus conforme au dogme. Il se trouve qu’ils vénéraient un saint Guinefort, quasiment inconnu et dont manquaient les reliques, et que, parallèlement, les restes canins vénérés restaient sans nom. Il n’en fallut pas plus pour que ces derniers fussent associés à un véritable martyr : Guinefort.
Depuis, si le château du lévrier a de longue date disparu, le culte voué dans les Dombes à saint Guinefort a quant à lui persisté jusqu’au début du XXe siècle [1]…
[1] Le lecteur intéressé par l’origine curieuse de ce « saint » dédié à la santé des enfants lira une enquête historique passionnante : Schmitt J.-Cl (2004) : Le saint lévrier. Guinefort, guérisseur d'enfants depuis le XIIIe siècle, Flammarion, coll. « Champs », 282 pages.
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