VOUS LA VOYEZ depuis des années, à plus de trente kilomètres, au loin, sur le flanc de la montagne, une cicatrice claire au milieu de rien, c’est-à-dire dans la nature, des arbres pas trop près, des rochers, la neige l’hiver, pas d’ombre l’été. On en parle parfois à la radio, surtout quand quelqu’un a des copains assez dégourdis pour venir le chercher en hélicoptère, mais ça, ce n’est plus possible aujourd’hui, il faut trouver autre chose pour partir sans passer par la sortie officielle. Pour y aller, vous ne pouvez pas vous tromper, c’est la même route qui y mène, par le nord ou par le sud, et il n’y en a pas d’autre.
On vous a demandé quelques documents pour vous établir une autorisation d’entrée, une enquête administrative sur vous est en cours. Un de vos cousins a eu un retrait de permis temporaire pour excès de vitesse il y a des années, vous vous demandez si on va quand même vous laisser entrer. Puis le grand jour arrive, vous grimpez tout là-haut, la route tourne, ça prend du temps. Heureusement, quelqu’un vous attend sur le parking des visiteurs, vous n’allez pas faire votre première entrée tout seul. Vous essayez de prendre un air dégagé, mais en réalité, avouez-le, vous êtes impressionné (ça va passer en quelques jours, vous vous habituerez vite).
Première porte, et il y en a beaucoup, et elles sont toutes lourdes et fermées, qu’elles soient blindées (celles qui donnent sur l’extérieur) ou à barreaux (à l’intérieur des bâtiments). Vous êtes face à une vitre épaisse, recouverte d’un film miroir sans tain, on vous observe un bon moment de l’intérieur. Puis vous entendez un « clac » puissant, la serrure est débloquée, vous pouvez pousser la porte de tout votre poids pour entrer. Là, vous donnez votre carte d’identité, par un petit sas dans le mur, et on vous remet un badge en échange, vous vous accrochez ça autour du cou. L’étape suivante, c’est comme à l’aéroport, vos affaires dans un bac et vous à travers un portique.
Bien sûr, ça bipe, vous enlevez votre ceinture, vous la laisserez à la maison la prochaine fois.
Barbelés et miradors.
Deuxième porte, vous attendez le « clac » d’ouverture et vous poussez fort. Vous êtes en plein air, il y a des barbelés, des miradors, des grilles très hautes, des bâtiments à droite (vous apprendrez que ce sont les ateliers, où l’on ensache des confiseries), c’est gris et moche. Vous avancez, montez des escaliers protégés par toutes sortes de grilles horizontales et verticales. Troisième porte, « clac », quatrième porte tout de suite après, « clac ». Les portes deviennent à barreaux, vous en passez une, « clac », long couloir, porte, « clac », et là, à gauche, la porte jaune du service médical. Les patients sonnent une fois, le personnel deux fois, et un gardien vient vous ouvrir, avec une vraie clé. Il vous ouvre ensuite une énième porte à barreaux (vous ne les comptez plus).
Local de la pharmacie, cabinet dentaire, salle de radiologie, salle de soins, cabinets de consultation (médecin généraliste, psychiatre, psychologue, addictologue, mais aussi dermato, cardio, endocrino, infectiologue… selon les besoins), bureau des infirmières, tout ce monde cohabite dans un petit espace en U autour du poste de surveillance. Contrairement à vos préjugés, l’ambiance est amicale et décontractée, les détenus vont et viennent dans le couloir avant ou après leur consultation, la porte de la pharmacie est blindée et lourde, mais elle n’est pas fermée à clé, les infirmières et les médecins entrent et sortent dans une sorte de ballet qui vous étourdit un peu, mais là aussi vous allez vous y faire.
En partant, vous repassez par toutes les portes, vous attendez tous les « clac », vous avancez devant toutes les caméras de surveillance et sur tous les écrans de contrôle, vous entendez les cris du match de foot qui se joue sur le terrain de sport goudronné, vous rendez votre badge, vous récupérez votre carte d’identité, et vous retrouvez la liberté du parking.
C’était pas si terrible que ça, non ?
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