NICOLAS SARKOZY a changé de politique étrangère. Il a décidé, depuis au moins deux ans, de mettre sous le boisseau les préoccupations de la France relatives aux droits de l’homme. Son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, inventeur du devoir d’ingérence, n’a pas hésité naguère à dire que le souci des droits de l’homme obère une politique extérieure. Le secrétariat d’État occupé autrefois par Rama Yade a été supprimé. Le président fait valoir, et il n’a pas forcément tort, qu’au moment où son premier devoir consiste à créer des emplois, il ne peut se permettre de renoncer aux marchés chinois, russe ou autres. Il défend donc les intérêts du peuple français.
Des managers rmarquables.
Le dalaï lama se le tiendra pour dit qui ne fera pas de sitôt une visite officielle en France. L’idée du gouvernement, c’est qu’il existe une autre façon de défendre les libertés, qui ne soit pas nuisible à la France, laquelle ne saurait se passer d’une relation suivie avec la Chine et va vendre à la Russie un navire de guerre Mistral, au mépris de ses obligations vis-à-vis de l’OTAN. L’espoir d’une évolution de la Russie est permis, depuis qu’elle aborde ses relations avec l’Ukraine et même la Géorgie qu’elle envahissait il y a peu, d’une manière plus conciliante, en tout cas moins militaire. Quant à la Chine, elle a obtenu exactement ce qu’elle voulait et n’a rien donné en échange. Elle est en effet dans la phase de la prise de conscience de sa force, dans un hubris. Ill y a des années que, comme l’URSS d’autrefois, elle considère toute négociation comme un moyen de parvenir à ses fins, à l’exclusion des intérêts de ses interlocuteurs.
La Chine est un immense pays, dont la croissance donne le vertige, qui se modernise à une vitesse hallucinante, qui crée et développe une nombreuse classe moyenne, qui est dirigé par de remarquables managers, lesquels ont été capables de traverser la crise mondiale sans la moindre baisse de régime. Les dirigeants chinois sont aussi convaincus qu’ils doivent accélérer la difficile mise en œuvre de leurs programmes sociaux, assurances maladie et vieillesse, dès lors qu’ils doivent moins compter désormais sur le commerce extérieur que sur le marché intérieur où la demande est immense, mais les moyens pécuniers du consommateur chinois encore insuffisants.
On aura remarqué que M. Sarkozy, en prenant ses distances avec les droits de l’homme, n’est pratiquement critiqué par personne, parce que l’accent qu’il met aujourd’hui sur la realpolitik relève d’un pragmatisme élémentaire que l’opposition elle-même ne conteste pas. M. Kouchner a donc raison : une diplomatie ne doit pas dépendre des sentiments.
Il reste à voir si les organismes qui dirigent la Chine, et plus particulièrement le Parti communiste, peuvent maintenir le rythme de croissance du pays pendant de nombreuses années ; si ce mélange d’un capitalisme très brutal et d’un autoritarisme médiéval n’est pas explosif ; si, pour le citoyen chinois, l’accès à la consommation suffit à le satisfaire tant qu’il n’a pas accès aux libertés ; si le nationalisme, cyniquement entretenu par le Parti, va indéfiniment empêcher les forces centrifuges qui s’exercent sur cette nation d’un milliard et demi d’habitants de craqueler son unité. On n’est pas moins réaliste quand on décèle les difficultés actuelles de la société chinoise et ses difficultés à venir que lorsqu’on constate sa force économique et démographique. La Chine est une expérience passionnante mais pas plus que l’expérience américaine (une histoire de coups de théâtre), que celle de l’Europe (une recherche des grands équilibres entre prospérité, culture et qualité de vie), ou d’autres expériences comme celle du Brésil, également intéressante. Le chômage crée une grande souffrance en Europe, mais le produit per capita est y dix fois supérieur qu’en Chine. Au regard de l’histoire, aucun empire, aucune puissance n’est définitivement gagnante. Si c’est vrai pour les États-Unis, a fortiori c’est vrai pour la Chine qui non seulement n’a pas rejoint le club des plus riches, même si elle envisage d’envoyer des astronautes sur la Lune, mais ne peut pas fournir une date crédible pour son accès au statut de pays uniformément développé.
Les libertés découleront-elles naturellement de l’élévation du niveau de vie chinois ? Rien n’est moins sûr, car la fabuleuse croissance chinoise a été mise en route par ceux-là même qui détiennent le pouvoir et se gardent bien de faire la moindre allusion à la fin du totalitarisme. Ils donnent le bonheur économique au peuple consommateur et croient qu’il n’a besoin de rien d’autre. S’il réclame l’application de ses droits, c’est la croissance qui se réduira. Au delà des fastes de Shangaï qui nous fascinent tant, il y a une évolution pleine d’inconnues contre laquelle de vieilles et imperturbables démocraties sont mieux protégées.
RIEN N’EST PLUS SOLIDE QU’UNE BONNE VIEILLE DÉMOCRATIE
Ls présidents Sarkozy et Hu Jintao à Pékin
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