Le monde aujourd'hui

Un Brexit sans accord est possible

Par
Publié le 10/09/2018
Article réservé aux abonnés
Les négociations entre le gouvernement britannique et la commission européenne doivent se terminer au plus tard le 31 mars 2019 et il est peu probable que les Européens consentent à différer cette date. Londres doit obtenir un accord en bonne et due forme pour bénéficier d'une période de transition qui courrait jusqu'au 31 décembre 2020. On n'en prend pas le chemin.
Un Brexit sans accord est possible

Un Brexit sans accord est possible
Crédit photo : AFP

Ce qui est surprenant, c'est que le temps et les efforts fournis par le Royaume-Uni et la commission européenne, embarqués dans d'énormes dossiers techniques qu'il a fallu éplucher point par point, n'ont pas pu, à ce jour, progresser sur les principes fondamentaux de l'accord, c'est-à-dire sur l'aspect politique. Constamment critiquée par l'opposition, et bien plus encore par nombre de ses propres ministres, dont Boris Johnson, qui rêve de la remplacer, Theresa May, chef du gouvernement, a été incapable d'adhérer à quelques règles essentielles au-delà desquelles le négociateur de la commission européenne, le Français Michel Barnier, ne peut pas aller.

Les Vingt-Sept sont pourtant très clairs : il ne peut y avoir d'accord entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne que si celle-ci respecte les quatre libertés, c'est-à-dire la liberté de circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. Or c'est la peur de l'invasion par les migrants qui a conduit les Britanniques à donner une majorité au Brexit en 2016. Mme May a donc tenté d'obtenir des Européens qu'ils renoncent à la quatrième liberté, au moins pour ce qui concerne son pays. Ce qui aurait produit une situation extraordinairement avantageuse pour le Royaume-Uni.

Or l'absence d'accord priverait le royaume d'une période de transition à laquelle l'Europe a déjà consenti. Entre le 31 mars 2019 et le 31 décembre 2020, la Grande-Bretagne garderait les avantages qu'elle a acquis au titre de son appartenance à l'Union. De cette manière, elle pourrait s'acheminer plus calmement vers une sortie définitive de l'Union. Donc, si Mme May refuse de sauter le pas en ce qui concerne la libre circulation des personnes, elle serait contrainte dans six mois à trouver des alternatives immédiates aux systèmes financier, commercial et économique mis en place par l'UE. Tâche redoutable.

Une crise intérieure

La Première ministre n'a jamais été une fanatique du Brexit. Ce qui l'anime principalement, c'est le respect des résultats du référendum et donc celui de la démocratie. Bien qu'elle ne le dise jamais, elle aurait préféré un Brexit soft. Elle est, malheureusement bien impuissante lorsqu'il s'agit d'en finir avec les contradictions de la démarche britannique. N'est toujours pas réglé le problème de l'Irlande. Depuis l'accord de paix qui a mis fin à la guerre civile en Ulster, la frontière entre l'Irlande du Nord et la République irlandaise a disparu : biens et personnes circulent librement, ce qui se traduit par un regain de prospérité. L'Irlande, capitale Dublin, est profondément attachée à l'Europe qui a assuré sa prospérité. Faut-il rétablir une frontière entre les deux Irlande ? Ce serait très dommageable. Les Européens ont donc décidé de faire une exception et de considérer l'Ulster comme un territoire lié à l'Union.

Ce qui ne convient guère aux ultras du Brexit qui voient dans cette solution une atteinte à la souveraineté britannique. Peu importe qu'ils exigent le beurre et l'argent du beurre, l'essentiel, pour eux, est de déstabiliser Theresa May, de lui compliquer la tâche à souhait et de l'obliger à démissionner bientôt. Boris Johnson se voit déjà au 10 Downing Street. Le temps presse, mais la solution est lointaine.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3455