PAS QUESTION de céder aux sirènes alarmistes. Invité par la Chambre syndicale des pharmaciens de Paris, Nicolas Bouzou, économiste de la santé et fondateur du cabinet de conseil ASTERES, a expliqué que « les pharmaciens français ont toutes les raisons de voir l’avenir en rose ». L’auteur d’une étude sur l’impact économique de la déréglementation des professions libérales considère en effet que « le secteur de la santé est incontestablement celui où il y a le plus d’innovations et donc celui où, potentiellement, il peut y avoir le plus de croissance ».
Un atout considérable à l’heure où, dans la bouche de nombre d’experts et autres « économistes patentés », décroissance et déflation riment avec panne de l’innovation. Un privilège que les pharmaciens se doivent toutefois d’exploiter rapidement pour inverser la tendance à la morosité qui semble caractériser aujourd’hui le secteur officinal. Nicolas Bouzou considère même que « ce que les pharmaciens feront dans les prochaines années aura valeur d’exemple pour les Français ». En clair, il appartient à la profession de se mobiliser pour vaincre le signe indien.
Se réinventer.
Quand bien même « le secteur de la santé serait le seul où les pouvoirs publics organiseraient la récession et la déflation, sous prétexte que pour redresser les comptes publics il faudrait produire moins et consommer moins », ajoute encore Nicolas Bouzou. Ce paradoxe doit au contraire inciter les acteurs de santé à réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour faire mieux et donc pour faire plus. En clair, il leur appartient de « profiter de l’arrivée de nouveaux produits et de nouvelles technologies pour faire différemment ».
Et le moment semblerait particulièrement opportun, puisque la pharmacie est en pleine mutation. « Ce mouvement a démarré en 2008 avec la volonté d’instaurer un honoraire de dispensation », a rappelé Andrée Ivaldi, présidente de la Chambre syndicale des pharmaciens de Paris en ouvrant la table ronde sur « les mutations et les perspectives économiques de l’officine ». Cette évolution a d’ailleurs mis un certain temps avant de prendre corps, car elle n’a véritablement vu le jour… qu’en 2015, avec la signature de la convention pharmaceutique.
La mutation n’est pas terminée pour autant. La profession se trouve même au milieu du gué. Selon Nicolas Bouzou, « il appartient ainsi aux pharmaciens de prendre leur avenir en mains et de se réinventer ». La mutation entamée par la profession correspondrait, peu ou prou, à l’émergence de « la vague d’innovations la plus importante depuis la première révolution industrielle ». Les officinaux doivent donc profiter au mieux de l’apparition des technologies multi-usages qui « impacteront l’ensemble des secteurs d’activité » pour faire évoluer celui de la santé.
Destruction créatrice.
D’autant que quatre révolutions industrielles semblent simultanément se profiler. Et conformément à la loi de Moore, qui prévoit un doublement de la puissance des ordinateurs tous les dix-huit mois, « des progrès exponentiels vont continuer de voir le jour dans les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique et les sciences cognitives, qui ont permis de développer l’intelligence artificielle ». Des perspectives qui, selon l’auteur de « Pourquoi la lucidité habite à l’étranger ? » (Jean-Claude Lattès), constituent autant de sources d’espoir pour une profession aujourd’hui malmenée.
Sans pour autant que quiconque puisse précisément prédire ce que sera l’avenir. Seule certitude : à l’instar de la thérapie génique, « ces NBIC seront constitutifs d’un avenir meilleur, puisqu’elles visent toutes à l’augmentation de l’espérance de vie », précise Nicolas Bouzou. Ces innovations devraient ainsi contribuer à la fois à l’évolution des thérapies vers une certaine individualisation, à l’émergence de la médecine prédictive et à la mise au point de nouvelles formes d’administration des traitements.
Autant d’évolutions qui, conformément au précepte de « destruction créatrice » défendu par l’économiste autrichien Joseph Alois Schumpeter, vont donc déboucher sur une nouvelle pharmacie. Car la disparition de secteurs d’activités économique entraîne la création de nouvelles activités économique. Dès lors, dans la mesure où « le nouveau ne naît pas de l’ancien, mais naît à côté de l’ancien et lui fait concurrence jusqu’à le tuer », il y a fort à parier que « le distributeur de médicaments de demain ne sera pas pharmacien », estime l’économiste de la santé, qui ajoute aussitôt : « sauf si vous vous réinventez. Votre seul sujet à vous est de démontrer que le nouveau peut naître de l’ancien ».
Interprofessionnalité.
Et ces progrès seront sources de gains de productivité. A condition, bien évidemment que « l’hôpital se recentre sur les seuls patients devant être à l’hôpital, que les médecins ne prennent en charge que les malades et que les pharmaciens s’occupent des pathologies bénignes ». Et Nicolas Bouzou d’ajouter : « L’expérience médicale doit quasiment être une expérience marketing afin que, même malade, je sois content d’aller chez mon pharmacien. » À charge pour les pharmaciens de développer des services.
Une répartition des tâches qui n’interdit pas les coopérations interprofessionnelles. Bien au contraire ! La santé ne pouvant plus se penser en tuyaux d’orgue, mais devant être appréciée dans sa globalité, il est évident que l’interprofessionnalité deviendra la clé de voûte du système. D’autant que « les évolutions technologiques nous poussant vers la notion de Big data, tous les acteurs de soins auront besoin d’accéder à ces gisements de données », ajoute encore Nicolas Bouzou.
La circulation des données devrait donc conduire à une certaine forme d’interprofessionnalisation. Sans compter le poids croissant des assureurs dans le système de santé qui vont inciter à la création de microsystème où les différents acteurs de santé devront collaborer étroitement…
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