Personne ne sait vraiment à ce jour ce que Trump a dans le ventre. S'il a été capable d'adopter des comportements iconoclastes, de proférer des déclarations violentes et d'insulter ses adversaires, il a donné de ses projets un schéma si surprenant, depuis la guerre nucléaire à la Corée du Nord jusqu'au démantèlement de l'OTAN, qu'aucun chef d'Etat ou de gouvernement ne peut s'appuyer sur des données précises pour imaginer, combattre ou se préparer à la politique étrangère qu'il entend mettre en œuvre.
Le premier des obstacles à une relation apaisée entre l'Amérique et ses alliés ou à l'instauration d'un rapport de forces avec ses adversaires, c'est le chamboulement complet des positions américaines traditionnelles. Le discours de Trump a inversé l'équilibre ancien des relations internationales. Il s'est posé en contempteur de l'Europe, a fait l'éloge de quelques dictateurs et s'est trouvé des affinités avec Vladimir Poutine ou le populisme européen. Il est protectionniste au sein d'un monde libre-échangiste, isolationniste au moment où les guerres du Proche-Orient nécessitent l'arbitrage des grandes puissances, compte tenir la dragée haute à l'Iran, contrairement à l'accord nucléaire conclu entre Téhéran, Washington et d'autres pays, veut fermer ses frontières aux productions chinoises, quitte à laisser Pékin dominer l'Asie. Sans paraître comprendre que Pékin procèdera à des représailles s'il l'exclut du marché américain. Il n'a que mépris pour l'environnement et le climat, alors que la COP 22 espère améliorer les engagements nationaux en faveur d'une réduction de la température de la planète.
Un grand simplificateur
Non seulement les alliés des Etats-Unis devront se rebeller contre les initiatives de Trump, pour autant qu'il les prenne, mais ils ont eux-mêmes écrit la vaste florilège des jugements négatifs qu'il leur inspirait pendant la campagne. Sans doute par souci d'aider Hillary Clinton, mais aussi sous l'effet de la pure indignation, ils n'ont jamais caché à Trump qu'ils le trouvaient excessif, discourtois, bruyant. Il risque donc de se souvenir que François Hollande s'est dressé contre un propos odieux que le bouillant candidat a tenu au sujet d'une famille musulmane qui a perdu un fils dans la guerre d'Afghanistan. « Les excès finissent par créer un sentiment de haut-le-cœur, surtout quand on s'en prend à la mémoire d'un soldat », avait déclaré le chef de l'Etat. De la même manière, l'ambassadeur de France à Washington a publié un tweet peu élogieux pour M. Trump le matin du 9 novembre, puis l'a supprimé. Le président-élu choisira ou non de poursuivre de sa rancune ces Français si nasty (désagréable, épithète qu'il a réservée à Mme Clinton, comme si lui-même était un modèle de bienveillance). La diplomatie française n'a pas ménagé un candidat dont elle souhaitait la défaite. Malheureusement, il a gagné et elle doit se coltiner maintenant avec un président dont l'incohérence n'est plus à prouver. Mercredi dernier, dans un discours prononcé à la fin du conseil des ministres, M. Hollande a mollement tendu la main au président-élu, tout en restant sur sa réserve.
Il est vrai que M. Trump est un grand simplificateur. Il n'a jamais vu dans la tâche présidentielle un empilement de dossiers ou un écheveau inextricable dont seule une myriade de conseillers trouveraient le fil conducteur. Il croit dur comme fer que l'on mène une politique étrangère comme on fait du business. Il n'est pas convaincu, on le sait, par le savoir-faire des élites. Il ne fait pas de doute qu'il fera des impasses, surtout sur les pays éloignés et exotiques dont il ne connaît pas le nom ou la localisation géographique. On peut compter sur lui, en tout cas, pour présenter son action comme brillante, même en cas de défaite. Ses adorateurs n'ont pas fini de l'entendre s'auto-féliciter. Au fond, son message de campagne a toujours été le même : « Vous allez voir ce que vous allez voir ». Le pire, c'est que les Européens devront s'habituer à lui et, s'ils veulent des résultats, beaucoup lui pardonner.
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