L’ÉQUATION devient de plus en plus difficile à résoudre. D’un côté, l’État cherche absolument à maîtriser les comptes de l’assurance-maladie pour réduire le déficit. De l’autre, il est confronté à l’arrivée sur le marché de traitements innovants, mais très onéreux. C’est le cas du Sovaldi (sofosbuvir), un médicament contre l’hépatite C, commercialisé par le laboratoire américain Gilead, dont le coût du traitement s’élève à au moins 56 000 euros par patients. Autrement dit, l’équivalent d’environ 29 000 boîtes de Doliprane ! Circonstance aggravante, plusieurs milliers de patients en France pourraient bénéficier de ce traitement révolutionnaire (voir ci-dessous). Au total, la prise en charge de ce médicament coûterait près d’un milliard d’euros par an à l’assurance-maladie, soit environ 5 % des dépenses du régime général habituellement consacrées aux médicaments (18,63 milliards d’euros en 2013). Le remboursement de ce seul médicament engloutirait la moitié des économies dégagées grâce à la substitution générique. À titre de comparaison, le traitement de la leucémie myéloïde chronique, Glivec, prescrit à 8 000 patients actuellement, a coûté à l’assurance-maladie près de 180 millions d’euros en 2013.
Le casse-tête pour l’État ne fait que commencer. Car selon le président du LEEM, Patrick Errard, les médicaments du type Sovaldi vont « déferler sur le marché au cours des dix prochaines années ». Aussi, lors de la Journée de l’économie de l’officine organisée par « le Quotidien », le président du LEEM a-t-il plaidé en faveur de réformes structurelles de long terme permettant non seulement le financement du système, mais aussi de produits innovants. « Le déficit de la Sécurité sociale est avant tout un problème de recettes », insiste Patrick Errard.
La pression sur les fabricants.
Pour l’heure, le gouvernement semble plutôt vouloir faire pression sur les fabricants pour qu’ils revoient leurs prix à la baisse. À défaut, il est prêt à abattre de nouvelles cartes. Déjà, certains hypolipémiants pourraient en faire les frais. Le ministère de la Santé a ainsi décidé que, à partir du 1er novembre 2014, toute nouvelle prescription de médicaments renfermant de la rosuvastatine (Crestor) et de l’ézétimibe seul (Ezetrol) ou en association avec la simvastatine (Inegy) devra faire l’objet d’une demande d’accord préalable établie par le médecin pour que le patient puisse bénéficier du remboursement. Pour certains, les jours du Crestor, l’un des 10 médicaments qui coûtent le plus cher à la Sécu, seraient comptés. Car la nouvelle procédure devrait rebuter bon nombre de prescripteurs qui devront compléter un formulaire et attendre la réponse de l’assurance-maladie avant de rédiger leur ordonnance.En juillet, la ministre de la Santé s’était déjà attaquée à un autre poids lourd du remboursement, le Lucentis. Pour contrer l’explosion des dépenses enregistrées avec ce médicament, Marisol Touraine a fait voter une disposition permettant un élargissement des recommandations temporaires d’utilisation (RTU) afin de faciliter l’utilisation d’un autre produit, moins coûteux, l’Avastin.
En ce qui concerne le Sovaldi, la ministre a décidé d’utiliser une autre tactique, également inédite. Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2015, Marisol Touraine entend réactiver une mesure autorisant l’État à prélever une partie du chiffre d’affaires (CA) français des laboratoires en cas de dépassement de l’ONDAM* et à réaffecter les montants perçus à l’assurance-maladie. Dans le cas du médicament du Laboratoire Gilead, le PLFSS prévoit le déclenchement de la taxation si le CA des traitements de l’hépatite C dépasse les 450 millions d’euros en 2014, et les 700 millions d’euros en 2015. Le fabricant, qui négocie actuellement le prix définitif de sa spécialité avec le CEPS**, est prévenu. S’il refuse de revoir son prix à la baisse, la France utilisera cette arme.
** Comité économique des produits de santé.
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